Skills-based organization (SBO) : la révolution douce du travail par les compétences

La "skills-based organization" : la révolution douce du travail par les compétences
Parler aujourd’hui d’une entreprise orientée compétences, ou "skills-based organization" (SBO), revient à ouvrir une brèche dans la logique historique de gestion des ressources humaines. Car derrière cette expression encore émergente en France, c’est toute une philosophie de transformation du travail, du management, du recrutement et de la formation qui se joue. Exit les fiches de poste figées, place à une approche dynamique, centrée sur les compétences réelles, évolutives, transverses, et souvent insoupçonnées, que possèdent les collaborateurs.
De quoi parle-t-on ?
La skills-based organization désigne un modèle d’organisation dans lequel les décisions de gestion des talents – qu’il s’agisse de recrutement, d’affectation à un projet, de développement ou de mobilité – sont prises en fonction des compétences, et non plus du poste occupé ou du diplôme obtenu. Selon Deloitte (rapport The skills-based organization: A new operating model for work and the workforce, 2022), 63 % des grandes entreprises interrogées ont engagé une réflexion ou un projet pilote SBO.
Cette logique repose sur un constat partagé : dans un monde où l’intelligence artificielle, les transitions technologiques et la fragmentation des parcours bouleversent les métiers, raisonner par postes devient obsolète. Un poste est un agrégat de compétences ; or certaines disparaissent, d’autres apparaissent. S’accrocher à une fiche de poste, c’est risquer d’ignorer des potentiels internes cruciaux.
Cartographier l’invisible : les compétences cachées
L’un des piliers de la SBO consiste à aller chercher des compétences au-delà du CV, au-delà du cadre strictement professionnel, parfois même au-delà de ce dont le salarié a lui-même conscience. Par exemple, un collaborateur qui organise bénévolement des événements sportifs ou gère la trésorerie d’une association locale développe des compétences de gestion de projet, de coordination, voire de négociation budgétaire. Ces "soft skills" ou "hidden skills", encore peu valorisées dans les process RH classiques, deviennent des ressources-clés dans l’approche SBO.
Exemple : La société française Sanofi a mis en place un programme d’"internal gig marketplace", baptisé Short Assignment Marketplace, permettant à ses collaborateurs de candidater à des missions transverses en fonction de leurs compétences, et non de leur rôle. Résultat : plus de 3 000 projets ont été réalisés avec une meilleure mobilisation des talents internes (source : Les Echos, 2023).
Vers une logique de projets transverses
Les organisations basées sur les compétences cassent les silos fonctionnels. Les projets se construisent à partir des compétences disponibles, indépendamment de l’appartenance hiérarchique. Des profils issus de la finance peuvent être intégrés à des initiatives RH (ex. : développement de KPIs sur la marque employeur), ou un expert du service client participer à un groupe de travail sur l’UX design.
Cette transversalité renforce à la fois la collaboration, l’engagement, et la montée en compétences par frottement entre disciplines.
Quel rôle pour l’intelligence artificielle ?
L’IA joue ici un double rôle : accélérateur de changement et outil de pilotage. D’un côté, elle raccourcit la durée de vie des compétences techniques ; de l’autre, elle devient un levier pour les identifier, les cartographier et les faire évoluer. Des plateformes comme Eightfold, Fuel50 ou Gloat permettent aux RH de créer des "talent marketplaces", où les collaborateurs peuvent faire remonter leurs compétences, être matchés à des opportunités internes ou suivre des parcours de reskilling.
Exemple international : Unilever utilise une plateforme interne IA pour détecter les "adjacent skills" (compétences proches) et proposer des mobilités internes sur la base du potentiel de développement, réduisant ainsi les coûts de recrutement externe de 30 % (source : Harvard Business Review, 2022).
Un nouveau souffle pour les RH
Dans cette configuration, les directions RH ne sont plus uniquement des gardiennes des process. Elles deviennent les architectes stratégiques de l’évolution des compétences. Cela suppose une gouvernance des données RH solide : structurer, fiabiliser, normaliser les informations sur les compétences réelles, mesurables et transférables.
La création d’un référentiel dynamique – mis à jour en continu et connecté aux objectifs business – devient un impératif. Et l’IA peut aider à cette modélisation, en identifiant les gaps de compétences ou en suggérant des trajectoires de montée en compétence individuelles.
Un nouveau regard sur les entretiens… et les recrutements
Dans une logique de SBO, les entretiens professionnels et d’évaluation prennent une tournure bien différente. Il ne s’agit plus seulement d’évaluer la performance par rapport à un poste, mais d’explorer le réservoir de compétences disponibles – y compris celles développées hors cadre professionnel. Cela nécessite de former les managers à des techniques d’écoute active et d’entretien exploratoire.
De même, en recrutement, les outils changent : tests de personnalité, exercices de mise en situation, ou scoring de compétences prennent le pas sur le diplôme comme unique preuve de savoir-faire. Cette évolution favorise l’inclusion, la diversité de profils, et réduit les biais classiques.
Et demain ? Vers la reconnaissance sans diplôme ?
La SBO pourrait bien rebattre les cartes du marché du travail. Sans remplacer entièrement le diplôme, la compétence devient la véritable monnaie d’échange. Des acteurs comme IBM ont déjà supprimé l’exigence de diplôme dans plus de 50 % de leurs offres aux États-Unis. En France, certaines entreprises du numérique ou de la cybersécurité valorisent davantage la certification de compétences que le titre académique.
Conclusion : la SBO, une transition systémique plus qu’un projet RH
La skills-based organization n’est pas une simple réforme RH. C’est une refondation du modèle managérial et de la gestion des talents. Elle invite à réinterroger nos catégories mentales : un collaborateur ne se réduit pas à son poste. Une compétence n’est pas figée dans un diplôme. Une carrière n’est plus une succession linéaire de fonctions, mais un réseau évolutif de missions et d’apprentissages.
Cette révolution silencieuse demande du courage organisationnel, une culture de la confiance, et une maturité technologique. Mais elle constitue probablement l’une des réponses les plus robustes aux défis de l’obsolescence des compétences et de l’attractivité des talents.
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