6 stratégies pour se différencier par le service

Six stratégies pour se différencier par le service : une feuille de route académique
Introduction
À l’ère où toutes les entreprises sont, directement ou indirectement, des prestataires de services, la capacité à concurrencer par le service devient une stratégie centrale de création de valeur pour les clients et de captation de valeur pour les actionnaires. Cette dynamique prend une ampleur particulière dans un environnement concurrentiel instable, où les frontières sectorielles deviennent floues, favorisant les incursions de nouveaux entrants issus de marchés adjacents, notamment par l’innovation technologique et les canaux de distribution numériques.
Dans ce contexte, l’objectif de l’article est d’examiner six stratégies essentielles pour se différencier par le service :
- Co-créer de la valeur liée à la richesse actionnariale
- Gérer les perceptions clients sur la proposition de valeur
- Personnaliser les prix pour maximiser la rentabilité
- Assurer l’excellence dans l’exécution des services
- Planifier la gestion des défaillances
- Créer une expérience holistique incluant le « servicescape »
1. Co-créer de la valeur liée à la richesse actionnariale
L’évolution des théories du marketing conduit à repenser les services comme l’application de connaissances au bénéfice d’autrui, selon la logique dominante de service (Service-Dominant Logic, Lusch et al., 2007). Cela implique une co-création de valeur entre l’entreprise et le client, où l’avantage concurrentiel durable repose sur les ressources opérantes, c’est-à-dire la capacité à transformer des connaissances en solutions.
Dans cette logique, la commodité devient une source essentielle de valeur, à chaque étape du parcours client : de la prise de décision à l’usage post-achat. Les technologies en libre-service (SST, self-service technologies) renforcent cette valeur perçue, tout en permettant aux entreprises de maîtriser leurs coûts de main-d’œuvre.
Par ailleurs, les bénéfices pour l’actionnaire doivent être pris en compte. Wiles (2007), dans son étude sur l’impact des campagnes orientées service sur la valeur boursière, montre que des annonces de stratégies de service peuvent générer des rendements anormaux significatifs (1,09 % en moyenne). La clarté et la crédibilité de la promesse sont décisives : les services tangibles et facilement imaginables créent plus de valeur actionnariale que les concepts abstraits. La réputation du prestataire et les garanties associées (ex. : engagement de satisfaction ou alignement de prix) peuvent compenser un déficit d’imagibilité.
Cette logique n’est cependant pas universelle. Par exemple, Verhoef et al. (2007) soulignent que dans le secteur automobile, seuls les concessionnaires de marques de volume peuvent renforcer la fidélité par la promesse de service, contrairement à ceux des marques haut de gamme ou économiques.
2. Gérer les perceptions clients sur la proposition de valeur
Une bonne proposition de valeur ne se limite pas à l'offre : elle repose sur la manière dont le client perçoit la valeur et les bénéfices associés. Dans les services transactionnels comme les services boursiers mobiles, Kleijnen et al. (2007) identifient trois leviers de valeur : la commodité temporelle, le contrôle utilisateur et la compatibilité du service, mais également deux freins : le risque perçu et l’effort cognitif requis.
Dans un environnement où le temps devient une ressource critique, les services mobiles, bien intégrés et bien communiqués, peuvent créer un fort avantage compétitif. Le défi est d’éduquer les clients sur ces nouveaux modes d’accès, tout en réduisant leur perception du risque.
Yim et al. (2007) introduisent le concept de congruité de l’image de soi, révélant que plus un client s’identifie à la marque ou au type d’utilisateur typique, moins il est influencé par les offres concurrentes. Il devient donc stratégique de concevoir des messages publicitaires ou des environnements de service qui résonnent avec l’identité ou les aspirations du client.
Cette approche met en lumière la nécessité de développer des stratégies de communication basées sur des analyses fines des arbitrages coût-bénéfice, en tenant compte des attentes implicites liées au profil et au style de vie du client.
3. Personnaliser les prix pour maximiser la rentabilité
La disposition à payer pour un service est intimement liée à la perception de qualité et de valeur. Dans un article consacré aux offres de reconquête, Tukman et al. (2007) démontrent que les stratégies de « win-back » peuvent générer un fort impact si elles sont personnalisées et contextualisées. Il s’agit d’identifier les clients perdus, comprendre les causes de leur départ, et proposer une offre de retour valorisante et adaptée.
Pour cela, les entreprises doivent tirer parti de leurs outils de CRM, non seulement pour segmenter leurs clients, mais aussi pour créer des parcours de reconquête individualisés. Les résultats montrent qu’une telle approche augmente significativement la fidélisation et la rentabilité globale.
Cependant, certaines industries, comme la téléphonie, risquent d'induire chez leurs clients des comportements opportunistes (changement constant de fournisseur pour bénéficier d’une nouvelle offre). Un champ de recherche ouvert reste donc la conception d’incitations capables de freiner ces effets d’aubaine.
4. Assurer l’excellence dans l’exécution : personnes et processus
L’expérience de service repose largement sur la qualité de l’exécution. Deux articles soulignent l’importance de la rigueur dans les comportements de front-line, et les limites de l’autonomie laissée aux employés. Les scripts standardisés offrent des bénéfices de fluidité, mais la personnalisation contextuelle est aussi valorisée.
Schau et al. (2007) montrent qu’une sortie de script (par exemple un changement de langue) peut parfois enrichir l’expérience client sans compromettre l’efficacité. Mais cela reste conditionné au respect de certaines conventions clés. Une dérive excessive ou inappropriée du script, notamment dans des systèmes avec un langage de marque spécifique (ex. les tailles chez Starbucks), peut entraîner des pertes de productivité ou des confusions.
De leur côté, Netemeyer et Maxham (2007) distinguent les comportements in-role (dictés par les procédures internes) et les comportements extra-role (fondés sur la discrétion individuelle). Ce sont surtout ces derniers qui génèrent des gains significatifs en satisfaction et en bouche-à-oreille positif. Cela soulève des enjeux de management : comment encourager l’engagement individuel sans sacrifier la cohérence et l’efficience opérationnelle ?
5. Planifier la gestion des défaillances
Une stratégie de service efficace intègre la gestion des échecs, qui sont inévitables. Hess et al. (2007) analysent les interactions ratées dans les relations de service répétées. Leur étude montre que les clients distinguent la faute de l’individu de celle de l’organisation. Si le client a connu par le passé des expériences positives, il tend à considérer le dysfonctionnement comme un cas isolé, et non comme un symptôme systémique.
Cela justifie l’importance de réduire la variabilité dans la qualité du service rendu d’un employé à l’autre. Il reste aussi beaucoup à faire en matière de compensation non monétaire : impliquer activement le client dans le processus de résolution, l'informer en continu, reconnaître l’erreur, peuvent être des formes de réparation aussi efficaces qu’un remboursement.
Le retour sur investissement des actions de service recovery reste un champ d’étude majeur, notamment en lien avec la perception de justice et les mécanismes de fidélisation post-crise.
6. Créer une expérience holistique : le rôle de l'environnement de service
L'environnement physique de service (servicescape), comme la musique, le design, l'agencement..., joue un rôle crucial dans la perception globale. Morin et al. (2007) testent les effets de la musique sur l’expérience de consommation : celle-ci rallonge le temps passé, améliore les attitudes envers l’espace, le personnel et la marque, et modifie positivement les comportements d’achat.
Leur modèle dual de perception environnementale montre que la musique agit sur l’ensemble du système : elle renforce la cohérence du décor, augmente la différenciation perçue, et modifie les jugements sur le service. Il ne s’agit donc pas simplement de créer une ambiance, mais de façonner une expérience multisensorielle cohérente et différenciante.
La recherche doit encore progresser pour articuler ces effets à d’autres éléments de l’environnement, comme l’odeur, la luminosité, ou la signalétique, notamment dans des contextes de services complexes ou à haute valeur ajoutée.
Conclusion
Ces six stratégies offrent un cadre structurant pour développer des approches différenciantes dans un monde où la concurrence ne se fait plus seulement sur le prix ou le produit, mais de plus en plus sur la qualité et l’intelligence du service. L’article propose aussi plusieurs pistes de recherche :
- Le rôle de la technologie (SST, mobile, IA) dans l’évaluation des services ;
- La chaîne qualité–valeur–fidélité–profitabilité ;
- La co-production et les interactions clients–employés–clients ;
- La marque de service comme levier de capitalisation relationnelle.
Ces perspectives appellent à une refonte des stratégies de service : non plus comme une fonction d’accompagnement, mais comme le cœur même de la promesse de valeur de l’entreprise moderne.
Source : Journal of Retailing (2007) par Ruth Bolton, Dhruv Grewal et Michael Levy
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