L’évolution de la proposition de valeur dans les modèles Product-Service Systems (PSS)


De la valeur produit à la valeur d’usage : un changement de paradigme
La proposition de valeur, dans un modèle économique traditionnel, repose essentiellement sur la performance intrinsèque d’un produit. Elle est définie par ses caractéristiques fonctionnelles, sa qualité, son prix ou encore sa durée de vie. Ce modèle « produit-centré » est aujourd’hui mis à l’épreuve par des dynamiques plus complexes où le service, l’expérience et la co-création de valeur deviennent structurants.
Avec les Product-Service Systems (PSS), la valeur ne réside plus seulement dans le produit, mais dans l’usage, l’efficacité, la simplicité, et les bénéfices tangibles et intangibles perçus par les utilisateurs tout au long du cycle de vie. Cette évolution s'inscrit dans une logique servicielle qui transforme fondamentalement la conception, la livraison et la mesure de la valeur.
Visualiser la valeur : une nécessité dans les modèles PSS
Comme le soulignent Fernandes et al. (2019), l’un des enjeux majeurs de la conception de PSS réside dans la représentation explicite de la proposition de valeur, non seulement du point de vue du fournisseur mais aussi de celui des parties prenantes. L’étude de cas menée avec la start-up agricole HeliDrop en est une excellente illustration : la valeur de la solution ne réside pas uniquement dans la performance du drone, mais dans l’ensemble des bénéfices (fonctionnels, émotionnels, de transformation de vie ou à impact sociétal) qu’en retirent les agriculteurs.
La méthodologie proposée associe une cartographie inspirée du journey mapping avec les éléments de valeur d’Almquist, Senior & Bloch (2016), pour modéliser les "hauts" et "bas" émotionnels du client tout au long du parcours. Ce faisant, elle permet de qualifier et objectiver une valeur auparavant considérée comme subjective, éphémère, voire insaisissable.
Les « éléments de valeur » comme grille d’analyse multidimensionnelle
Le modèle d'Almquist et al., intégré à cette approche, catégorise 30 éléments de valeur en 4 grandes dimensions :
- Fonctionnelle : gain de temps, réduction des efforts, amélioration de la qualité.
- Émotionnelle : réduction du stress, plaisir, confiance.
- Transformation de vie : espoir, motivation, autonomie.
- Impact social : citoyenneté, contribution au bien commun.
En mobilisant ces éléments, le design de la proposition de valeur dépasse la simple utilité pour intégrer des dimensions plus subjectives mais décisives dans la perception du client. Par exemple, dans le cas HeliDrop, le service de démonstration offre non seulement une information concrète mais génère aussi de la confiance et réduit le sentiment de risque.
Vers une représentation collaborative et évolutive de la valeur
Cette modélisation de la valeur ne peut pas être unilatérale. Elle repose sur une co-construction avec les parties prenantes, une logique participative qui permet d’intégrer les attentes et perceptions dans la phase amont du design. Le cas HeliDrop montre que les « ups and downs » perçus par les clients lors de chaque interaction peuvent orienter des choix techniques, logistiques et relationnels.
Ce cadre de représentation est également utile en tant que prototype décisionnel pour le pilotage agile du design de service, dans une logique itérative. Il devient un outil de médiation entre les concepteurs, les ingénieurs, les responsables marketing et les utilisateurs finaux.
Limites et perspectives : vers une intégration élargie
L’étude reste centrée sur un acteur clé (les agriculteurs), mais n’intègre pas d’autres parties prenantes comme les régulateurs, les partenaires logistiques, ou les financeurs. Or, dans les logiques PSS étendues (voir Cavalieri & Pezzotta, 2012), la valeur est co-créée dans un écosystème multi-acteurs.
De plus, comme le suggèrent Grönroos & Voima (2013), la valeur réelle émerge dans l’usage, parfois de manière imprévisible. Il serait donc judicieux d'enrichir cette cartographie avec une évaluation dynamique dans le temps, ou une lecture en boucle d’amélioration continue, inspirée du lean service design.
Enfin, une approche systémique incluant les dimensions environnementales et circulaires (cf. Goedkoop et al., 1999) permettrait de renforcer l'alignement des PSS avec les logiques de durabilité.
Conclusion : vers une nouvelle grammaire de la valeur
L’article de Fernandes et al. nous invite à repenser la proposition de valeur comme une structure dynamique, expérientielle et co-construite. Le passage d’une approche centrée sur le produit à une vision intégrée produit-service-expérience transforme les modes de conception et les outils d’aide à la décision.
En mobilisant des référentiels tels que les éléments de valeur, la journey map ou le structured-diagram, les entreprises peuvent mieux formuler, tester et enrichir leur proposition de valeur, dès les phases amont du design. C’est un levier stratégique majeur pour toute organisation engagée dans une transition servicielle, une démarche d’innovation centrée sur l’usage ou la transformation de son modèle économique vers l’économie de la fonctionnalité et de la coopération.
En savoir plus sur les modèles économiques serviciels
Références académiques mobilisées
- Fernandes, S.S., Martins, L.D., Campese, C., Rozenfeld, H. (2019). Representing the Value Proposition of PSS in a Value-Based Perspective, ICED19.
- Almquist, E., Senior, J., Bloch, N. (2016). The Elements of Value, Harvard Business Review.
- Grönroos, C. & Voima, P. (2013). Critical service logic, Journal of the Academy of Marketing Science.
- Bertoni, M., Bertoni, A., Isaksson, O. (2013). Value visualization in PSS design, Journal of Cleaner Production.
- Goedkoop, M.J. et al. (1999). Product-Service Systems: Ecological and Economic Basics, Report to the Dutch Ministry of the Environment.
- Cavalieri, S., Pezzotta, G. (2012). PSS Engineering: State of the art and research challenges, Computers in Industry.
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