Comment faire des prévisions et des plans stratégiques, en contexte de forte incertitude

Prévoir dans l'incertitude
Dans le contexte actuel du Covid-19 et face à l'incertitude sanitaire et économique, comment les entreprises peuvent-elles assurer un atterrissage financier acceptable en fin d'année ? Quelles prévisions établir et transmettre ? Comment évaluer la marge de manœuvre ?
Nombre de sociétés naviguent en eaux troubles depuis le début de la crise sanitaire, et si une certaine visibilité est offerte jusqu'à fin juin 2020, les communications financières revendiquent l'incertitude planant sur le deuxième semestre. Dans ce cadre, comment les entreprises peuvent-elles communiquer sur leur atterrissage financier de fin d'année ? Comment sont réalisées les prévisions de résultats et de trésorerie en interne ? Les plans stratégiques sont-ils revus ?
Face à l'incertitude sanitaire et économique, quelles informations et quelles pratiques peuvent permettent de cadrer ces exercices ?
Le nécessaire renouveau des méthodes de prévisions
Faire des prévisions nécessite :
- D'estimer son niveau de visibilité sur l'avenir. La route est-elle dégagée, ou bien l'éventail des possibles confine à l'inconnu ?
- De prendre une posture stratégique par rapport à ce futur. Est-il préférable de chercher à disrupter le marché par ses offres, de dessiner le futur ? Ou de suivre les tendances ? Ou encore d'adopter une posture attentiste pour activer son plan en fonction des directions prises par le marché ?
- De prévoir des actions qui vont influencer les résultats de l'entreprise. Devons-nous lancer les actions x, y, z, en vue d'obtenir tel et tel bénéfice, ou bien prendre le pari de déployer nos actions seulement si le terrain se révèle favorable ?
- De réviser les prévisions en fonction des évolutions, à une fréquence donnée.
Classiquement, c'est une vision incrémentale sur la base d'un historique qui est adoptée, avec l'introduction de quelques nouvelles initiatives.
Dans le contexte d'incertitude maximale que nous vivons, les fondations classiques de la prévision sont rebattues. Incertitude médicale et sanitaire, d'abord, avec un niveau de connaissance naissant sur les risques de propagation et les stratégies de déconfinement. Incertitude macro-économique, quant aux politiques monétaires et de relances budgétaires, ensuite. Incertitude micro-économique, enfin, tant le rythme et la nature des consommations du "monde d'après" présentent des inconnues.
Comment, dès lors, répondre aux attentes pressantes du marché, des investisseurs, des banques, des dirigeants en matière de prévisions opérationnelles, financières et de trésorerie ?
L'état des lieux de l'impact du covid-19 sur l'activité
Les prévisions d'atterrissage passent par une prise en compte de l'impact COVID-19 sur l'activité sur l'entreprise et sur l'environnement macro-économique. Les données à disposition sont de deux ordres :
- Celles relevant des impacts du COVID-19 à date, tant sur l'entreprise, ses données économiques, ses opérations, son personnel, que sur le secteur dans lequel elle évolue et le contexte macro-économique. Au niveau national, la Banque de France indique que la contraction de l'économie a été de 6% du PIB au premier trimestre 2020. Plus spécifiquement, le mois de mars a marqué une baisse de 32% de l'activité économique, avec de fortes disparités selon les secteurs : Construction : -75%, Commerce, transports, hébergements, restauration : -65%, Industrie manufacturière (hors alimentation et raffinage) : -48%, Services marchands : -37%, Agriculture, secteur public : -6/9%.
- Celles relevant des projections d'institutions de référence. Au niveau mondial, les données du FMI parues ce mois fournissent une base riche : projection de PIB de -3% en 2020 au niveau mondial (contre +5.8% l'an prochain), -7.5% en Europe et -7% en France. La Banque de France table plutôt sur -8% cette année. La vision sectorielle rapportée plus haut peut également s'appliquer.
Les faits, l'imagination et le volontarisme au pouvoir
Pour établir cet exercice de prévision et de planification, trois niveaux de réflexion nous semblent requis :
- Etablir un état des lieux de l'impact du COVID-19 à date, sur les opérations, les ressources humaines, les finances et en particulier la trésorerie et le niveau d'endettement. Ceci tant au niveau de l'entreprise que du secteur et des géographies concernées. L'ampleur de la crise fait qu'une analyse de " l'état de santé " de ses clients et de ses fournisseurs clés est également indispensable pour envisager une montée en puissance progressive de l'activité.
- Faire oeuvre d'imagination pour se projeter dans le futur. Trois méthodes au moins permettent de s'adonner à cet exercice : le Scénario planning, le Budget Base Zéro, le War Game.
- Le Scénario planning : Exercice de prospective qui consiste à imaginer les paramètres influant le contexte macro-économique et micro-économique, puis à " tirer des extrêmes " sur cet éventail des possibles, de manière à dessiner des scénarios marqués. Il s'agit ensuite de définir des stratégies pour se tenir prêt à déployer les actions gagnantes dans tel ou tel cas de figure. Un tel exercice peut d'autant plus faire de sens qu'il fera l'objet de points de vue d'experts issus de différentes disciplines (économie, sociologie, anthropologie, finance, expertise sectorielle...).
- Le Budget Base Zéro ou comment repenser les futures activités et définir de manière " rétrospective " les moyens pour produire, vendre, opérer. Cet outil peut s'avérer utile dans des secteurs mis à mal, devant identifier des poches d'économies d'ampleur.
- Le War Game, qui se focalise sur les enjeux d'actions concurrentielles et de ripostes à celles-ci. Cette approche peut être intéressante pour revoir son périmètre d'offres.
- L'analyse des fondamentaux des économiques de l'entreprise, de façon très pragmatique et factuelle : Revenus, coûts, financement.
Quelles sont mes projections de revenus et comment les maximiser ?
La revue, client par client, secteur par secteur, produit par produit, des tendances d'activité est un point clé. Les premiers signes de changements sont reflétées dans le carnet de commandes en B2B, et dans les signaux donnés par les baromètres de comportements clients en B2C.
La question de l'adaptation de la gamme de produits et services, voire de transformation du business model peut s'avérer nécessaire. Y compris sur le boost des canaux e-commerce, lorsque cela est pertinent.
Comment optimiser mes coûts ?
Les financiers pilotent avec attention le niveau de point mort de leur activité. Le burn - niveau des coûts avant la génération de cashflows positifs - est suivi avec attention. Dès lors les financiers peuvent faire suspendre des projets ou des activités peu génératives de cash à court terme. Des plans d'économies sont lancés.
Un grand groupe d'électroménager a ainsi su utiliser son analytique, segmentant les frais fixes et frais variables au sein de ses usines, afin de piloter leurs contributions et les poches d'économies potentielles.
Quelles sont mes marges de manœuvre en matière de trésorerie ?
En période de crise, Cash is king (la trésorerie est reine). L'entreprise résiliente pilote son niveau de BFR, ses capacités d'autofinancement, sait négocier les conditions d'emprunt, d'affacturage et favorise les actions de recouvrement. Elle va au-delà en s'intéressant à la situation économique de ses partenaires clients et fournisseurs, en faisant preuve de créativité pour contribuer à la pérennité de ceux-ci s'ils sont en danger.
S'il est indispensable de tenir compte des évolutions à venir, il est tout aussi nécessaire d'identifier le niveau d'inflexion que l'on souhaite donner à ce futur. Les dirigeants peuvent, par conviction éthique ou intuition business, choisir de faire évoluer leur modèle et leur positionnement et ainsi s'orienter vers des comportements du " monde d'après ", tel qu'ils le voient. Et, pourquoi pas, favoriser les "3P" Planet People Profit, en conformité avec des engagements RSE...
Source : chefdentreprise.com
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