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De la performance à l’excellence : devenir une entreprise leader est un ouvrage intéressant qui apporte un éclairage assez unique dans le domaine du management et de la stratégie d’entreprise. Son contenu est le fruit des travaux de recherche de l’équipe du projet « De la performance à l’excellence », dirigée par Jim Collins, et qui comprend une vingtaine de chercheurs qui ont cumulé environ 15 000 heures de travail sur le projet. Ce livre pose la question suivante : une bonne entreprise peut-elle devenir excellente et si oui, comment ?

Tout d’abord, qu’est-ce qu’une entreprise excellente ? Pour cette Jim Collins, « excellente » désigne une entreprise dont le revenu par action de son cours de bourse est d’au moins trois fois celui du marché de son secteur d’activité durant une période d’au moins 15 ans… (ce qui permet de dépasser les coups d’éclat et les coups de chance). C’est aussi une durée qui excède la durée moyenne des mandats de PDG afin de séparer les entreprises d’exception de celles qui ont connu un jour un patron d’exception. Ainsi, les recherches se sont concentrées sur 11 entreprises passées de la performance à l’excellence entre 1985 et 2000.

L’équipe de recherche a également établi une liste miroir d’entreprises de comparaison, performantes, mais pas encore excellentes et a placé au cœur de sa méthode d’analyse, un système consistant à confronter les exemples d’excellence à leurs comparatifs, en se posant systématiquement la question “qu’est-ce qui est différent ?”.

Le leadership de niveau 5

La première découverte de l’équipe de recherche a été de mettre en lumière le type de leadership qui peut transformer une entreprise. Les dirigeants des entreprises passées à l’excellence semblent venir d’ailleurs lorsqu’ils sont comparés aux dirigeants médiatiques qui s’affichent à la une des médias. Ils sont effacés, calmes, réservés, parfois timides. Ils offrent un mélange paradoxal d’humilité sur le plan personnel et d’engagement, de volonté sur le plan professionnel.

Ils sont ambitieux, d’abord et avant tout pour leur entreprise, non pour eux-mêmes.

“Ils sont plus proches de Lincoln ou Socrate que de De Gaulle ou de César”. Ils s’inscrivent dans la durée et cherchent en priorité à produire des résultats pérennes. Pour les atteindre, ils sont résolus à prendre toutes les mesures amenant leur entreprise vers l’excellence. Ils sont laborieux et travaillent patiemment. Ils attribuent, souvent par modestie, une grande part de leur réussite à la chance plutôt qu’à leur excellence personnelle. A contrario, les PDG médiatiques venant de l’extérieur sont reliés négativement à la métamorphose vers l’excellence.

D’abord qui… ensuite quoi

La deuxième découverte importante du projet d’étude renverse une idée très ancrée dans le monde de l’entreprise. On pourrait s’attendre à ce que les dirigeants d’entreprises excellentes commencent par définir une vision nouvelle et une stratégie. L’auteur a découvert le contraire : ils commencent par faire monter dans l’autobus les collaborateurs qui leur étaient nécessaires, faisant descendre les mauvais, puis installent les bons à leur place ; ce n’est qu’alors qu’ils savent où conduire l’autobus. Ainsi, dire que les collaborateurs sont le véritable atout de l’entreprise est donc incorrect : ce sont, en réalité, les “bons collaborateurs” qui le constituent.

Définir le “d’abord qui” implique de travailler dans la durée. Ainsi le choix des collaborateurs se porte sur leurs qualités intrinsèques d’intelligences, de comportement et surtout sur leur adhésion aux valeurs de l’entreprise plutôt que sur leurs compétences et leur expérience au moment de leur recrutement. Ces derniers pourront être acquis par la suite alors que les premiers sont beaucoup plus difficiles à faire apparaître s’ils ne sont pas présents au départ. Cette approche dans la durée permet d’effectuer plus facilement des promotions et des évolutions internes, avec la certitude que les hommes et les femmes que vous pourrez faire évoluer, el feront dans la confiance en leurs capacités à réussir dans leurs nouvelles responsabilités.

Se concentrer ainsi sur les « bonnes personnes » induit également d’avoir un bon usage de la politique salariale. Ainsi la vocation d’un bon système de rémunération n’est pas d’obtenir les comportements adéquats de la part des personnes non compétentes, mais d’inciter les collaborateurs réellement utiles à monter à bord du bus et à y rester.
Cela transforme la capacité à recruter et à conserver un nombre suffisant de « bons collaborateurs ».

“Dès lors que vous ressentez le besoin de serrer la vis à quelqu’un, vous avez fait une erreur de recrutement”. Ainsi, cette logique vous incite à savoir faire descendre du bus ceux qui n’y ont pas leur place. Les meilleurs n’ont pas besoin d’être surveillés. Guidés, formés, menés, oui. Mais pas surveillés. Sinon le temps et l’énergie que nous consacrons à chaque personne « inadaptée » est détourné du travail à accomplir avec les « bons ». Conserver les « mauvais » éléments est injuste vis-à-vis des « bons », car ceux-ci sont inévitablement amenés, un jour ou l’autre à compenser les lacunes des premiers.

Il est utile de préciser que la notion de « bon » ou « mauvais » collaborateur n’est en aucun cas un jugement de valeur, mais une façon simplifiée de désigner des collaborateurs en adéquation avec le profil de poste et les valeurs de l’entreprise.

Le point majeur de cette découverte vient de l’enchaînement : d’abord qui – et ensuite quoi (stratégie d’entreprise, structure, tactique…). Ce qui entraîne une discipline rigoureuse à appliquer avec cohérence. Pour ce faire, 3 disciplines sont mises en valeur par le livre, permettant d’être rigoureux les décisions touchant à l’humain :

  • En cas de doute : ne pas recruter et observer
  • Lorsque vous êtes sûrs qu’il faut changer la personne : faites-le.
  • Placer les meilleurs face aux meilleures opportunités, pas face aux pires problèmes.

Affronter la brutalité des faits

L’équipe du livre a appris qu’un ancien prisonnier de guerre avait plus de choses à nous enseigner sur le cheminement vers la grandeur que la plupart des livres traitant de stratégie d’entreprise. Chacune des entreprises championnes a adopté ce qu’ils ont appelé le paradoxe de Stockdale (lire l’article). Ce système de pensée paradoxale est basé sur un principe simple : il faut conserver une foi inébranlable dans sa capacité à réussir quelles que soient les difficultés et en même temps avoir la lucidité d’affronter les faits les plus durs, quels qu’ils soient : une forme d’optimisme pragmatique.

Ce principe qui relève peut-être d’une forme d’évidence, n’a pas été appliqué par les entreprises de comparaison ou encore par celles dotées d’un leader charismatique. En effet, les personnes dotées d’un dirigeant avec une personnalité forte ont tout intérêt à réaliser que ce charisme peut aussi bien être un défaut qu’un atout. Cette force peut faire germer des problèmes dès lors qu’elle conduit autrui à filtrer la réalité. Aussi, le véritable leadership ne commence pas simplement par une intuition. Il commence lorsqu’une personne en amène d’autres à prendre en compte la réalité pour réagir à ses implications.

Créer un climat d’écoute est tout aussi important. Ainsi, si diriger c’est être plus ou moins visionnaire, c’est aussi – et c’est aussi important – être capable de créer un climat d’écoute où la vérité est entendue et les faits affrontés. Il y a une différence considérable entre la possibilité de parler et celle d’être entendu. Les dirigeants de l’excellence ont su créer un climat de confiance et une culture où l’écoute est prépondérante et où toute vérité est entendue.

Pour le dirigeant c’est aussi avoir la conscience de ne pas être omniscient et avoir l’humilité d’identifier ce qu’on ne comprend pas assez pour en obtenir des réponses, puis poser des questions qui conduiront à de meilleures découvertes. Les entreprises excellentes ont connu autant de problèmes que les entreprises comparatives de l’étude, mais elles y ont réagi différemment en faisant face à la réalité de la situation.

Affronter la réalité des faits, lorsque tout le monde a conscience qu’ils existent, conduit les entreprises sur la route de l’excellence à se renforcer. Il y a en effet un effet de stimulation collective à assumer et affronter ensemble de dures vérités. Cela participe à la création d’un esprit de groupe combatif et cohérent : “nous ne laisserons jamais tomber”, “nous trouverons une solution pour dominer ce problème…” Partager les informations (faits, chiffres, tendances…), bonnes ou mauvaises, avec tous les collaborateurs développe une force collective, de la responsabilisation et de la cohésion d’équipe.

Le concept du hérisson

L’allégorie de ce quatrième concept vient d’un essai de Isaiah Berlin intitulé “Le hérisson et le renard, dans lequel l’auteur part du constat que le renard a beau être un animal très malin, astucieux, rapide, inventif et beau, il ne réussit jamais à dévorer le hérisson. Il ne gagne jamais son combat, car s’il sait faire beaucoup de choses, le hérisson, lui, ne sait en faire qu’une, se protéger en se mettant en boule, mais il le fait excellemment.

L’auteur part de cette allégorie pour catégoriser le monde et les êtres humains entre renards et hérissons. Les renards envisageant le monde dans toute sa complexité poursuivent plusieurs objectifs en même temps. Ils sont, selon lui, “diffus, éparpillés, de déplaçant à plusieurs niveaux”. A contrario, les hérissons simplifient un monde complexe en une idée organisationnelle unique qui unifie et guide chaque chose.

Cette théorie a progressivement été adaptée au management. D’abord un professeur de Princeton, Marvin Bressler, a développé une théorie selon laquelle tous les plus grands influenceurs du monde passé et présent, étaient des hérissons. Freud, Darwin, Marx, Einstein ont fait d’un monde complexe, un monde beaucoup plus simple. Ainsi, poussant le concept aux organisations, les auteurs ont analysé les entreprises au prisme de ce concept. Il en ressort quelques découvertes étonnantes et des lois qui ont régi la focalisation des entreprises qui sont passées à l’excellence.

Le concept du hérisson se place à l’intersection de trois principes simples et indispensables comme trois cercles élémentaires :

  • Ce dans quoi on peut être le meilleur (et, aussi important, ce dans quoi on ne peut pas l’être). Cette notion va bien au-delà de sa compétence fondamentale. Ce n’est pas parce que sa compétence se cantonne à un domaine que l’on y sera le meilleur. Inversement on est parfois le meilleur dans un domaine très différent de son secteur.
  • Ce qui fait tourner le moteur économique. Toutes les entreprises excellentes ont atteint un très haut niveau de perspicacité dans la création d’un autofinancement et d’une rentabilité conséquents.
  • Ce qui passionne le plus. Les entreprises excellentes se consacrent aux activités qui les enflamment. L’objectif ici n’est pas de stimuler la passion, mais d’en découvrir l’objet.

Ainsi la clé est de discerner avec lucidité les domaines ou votre entreprise pourra être la meilleure (et, aussi important, où elle ne le pourra pas) et non de se cantonner, à ce qu’on voudrait qu’elle soit. Le concept du hérisson n’est ni une stratégie ni une intention : c’est une compréhension.

Par ailleurs, la notion de « meilleur » tient davantage dans un don ou une capacité potentielle que dans une compétence à l’instant où l’on réalise l’analyse. On peut être compétent sans avoir forcément la capacité à être le meilleur. À l’inverse, on peut avoir une capacité à être le meilleur sans pour autant, pour l’instant, en avoir acquis la technicité.

Connaître son concept du hérisson est un processus long et itératif. Il demande beaucoup d’introspection, de réflexion. Il demande, là aussi, de savoir affronter la réalité des faits selon le paradoxe de Stockdale. Les auteurs proposent dans l’ouvrage une méthodologie pour y parvenir. Elle est basée sur un groupe de travail interne à l’organisation, composé d’équipes dirigeantes et de divers collaborateurs, maîtrisant parfaitement leur zone de compréhension dont les objectifs ne sont pas d’arriver à un consensus, mais de débattre sans tabou afin d’affronter la réalité des faits.

Une culture de la discipline

Dans ce chapitre, les auteurs mettent en avant la découverte que les entreprises sont d’autant plus excellentes qu’elles ont su instaurer un système basé sur une culture très forte de la discipline. Chez elles, la discipline est venue comme un phénomène quasi-naturel. Les entreprises excellentes ont édifié un système cohérent aux contraintes clairement définies, tout en accordant liberté et responsabilité dans le cadre de ce système. Elles recrutent un personnel autodiscipliné qu’il est inutile de surveiller ; elles gèrent donc un système et non des individus.

Un extrait du livre est plus parlant : “Nous avons été frappés, au fil de nos recherches, par l’apparition répétée de mots tels que discipliné, rigoureux, tenace, déterminé, minutieux, précis, pointilleux, systématique, méthodique, professionnel, exigeant, cohérent, concentré, réfléchi, responsable. Ils ont émaillé les articles, les entretiens et le matériel source traitant des entreprises excellentes, alors que leur absence du matériel comparatif est tout aussi saisissante. Les employés des entreprises excellentes en sont venus à remplir leurs devoirs d’une manière quelque peu extrême, tournant parfois au fanatisme”.

Cette discipline passe en premier lieu par le respect absolu du concept du hérisson “Tu ne feras pas ce qui ne cadre pas avec ton concept du hérisson. Tu ne te lanceras pas dans un secteur qui ne correspond pas aux critères. Tu ne feras aucune acquisition qui ne n’entre pas dans le concept. Si ça ne cadre pas, ne le fais pas. Un point c’est tout”.

Dire “non, merci” aux belles occasions requiert une grande discipline.

Des catalyseurs technologiques

Un des autres enseignements des recherches menées par l’équipe de James Collins est que la technologie n’a pas forcément le poids que l’on croit dans une transformation d’entreprise. En fait, elle n’intervient pas à la position à laquelle spontanément on l’attendrait : le déclencheur. Au contraire, les entreprises d’excellence n’ont jamais utilisé la technologie comme déclencheur d’une métamorphose, mais plutôt comme accélérateur. Paradoxalement, les entreprises excellentes sont souvent pionnières dans l’adoption et dans l’application d’une nouvelle technologie qu’elles ont au préalable soigneusement sélectionnée. Chaque nouvelle technologie ne pourrait pas être retenue si elle n’entre pas totalement dans les domaines d’application de l’entreprise, qui sont évidemment guidés par le concept du hérisson.

Pour illustrer ce fait, une statistique : “80 % des dirigeants d’entreprises excellentes n’ont même pas mentionné la technologie parmi les 5 facteurs fondamentaux de leur transition.”.

Le volant et les caprices du destin

C’est le dernier chapitre marquant du livre. Il amène au lecteur l’idée d’inertie des évolutions. L’auteur prend l’analogie d’une énorme roue de métal (« un volant ») montée horizontalement sur un axe vertical que l’on devrait faire tourner le plus vite et le plus longtemps possible.

Les premières poussées ne réussiront à faire tourner la roue que de quelques millimètres, les suivantes de quelques rotations, puis trouvant le rythme et chaque poussée s’appuyant sur l’énergie et l’inertie mises dans les poussées précédentes, les rotations se font progressivement plus puissantes et plus rapides. L’énorme disque vole vers l’avant, dans un élan pratiquement impossible à stopper. La question en suspend : quelle est la poussée la plus importante pour obtenir un tel résultat ?

Ce qui est paradoxal dans ce phénomène c’est que le résultat visible, marquant pour un observateur extérieur, n’est pas le fruit d’un seul élément déclencheur, mais d’un ensemble de poussées cumulées dont chacune a eu une importance significative. Cette analogie décrit le phénomène que toutes les transformations, d’un point de vue extérieur, semblent spectaculaires, presque révolutionnaires. De l’intérieur, elles sont ressenties comme un développement lent de types biologiques comme une chrysalide pour un papillon.

Le fait de lancer le volant suffisamment vite, de trouver son concept du hérisson et de l’inclure dans la culture d’entreprise permet aux entreprises excellentes d’utiliser judicieusement les acquisitions et d’optimiser leurs effets dans le but d’accélérer un volant qui tournait déjà très vite.

En synthèse, tout commence avec les grands patrons de niveau 5 qui s’orientent naturellement vers le modèle du volant. Ils ne sont pas très amateurs de programmes éclairs qui les mettent eux-mêmes sur orbite. Ils préfèrent pousser calmement le volant afin de mettre les résultats sur orbite. Embarquer le bon équipage à bord, faire descendre les mauvais et placer les membres d’équipage au poste qui leur convient sont des étapes cruciales pour poser les fondations du rassemblement, des très importantes poussées sur le volant.

« De la performance à l’excellence » est un livre de management passionnant. Son équipe de recherche du plus haut niveau et de fortes dimensions (plus de 20 chercheurs ont travaillé sur plusieurs années sur le projet), la qualité et la profondeur du travail donné en font, une source éclairante sur les leviers du pilotage d’entreprise qui permettent de mener l’organisation vers le succès de manière pérenne.

Note : Service&Sens accompagne cette transformation, en travaillant chacun des points abordés, avec des approches et outils pour construire, pas à pas, en intelligence collective, l’excellence que vous souhaitez atteindre.

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