VUCA-BANI : le nouveau paradigme de l'instabilité mondiale

Le dernier rapport annuel de la Banque mondiale a placé l’année 2022 « sous le signe de l’incertitude », en évoquant une « convergence de crises » . Changement climatique, inflation galopante, perturbation des chaînes d’approvisionnement, conflits militaires… Et si cet état de constante instabilité et fragilité du monde devenait la nouvelle norme ? Peut-on parler d’une stabilisation de l’instabilité ? L’ancien modèle VUCA, longtemps utilisé pour décrire la volatilité des marchés économiques, ne semble plus parfaitement décrire la situation actuelle. Fragilisé, souvent anxiogène, le monde contemporain est devenu BANI – et récompensera les acteurs les plus prompts à s’adapter.
Les trois points-clés soulevés :
• Notre époque se caractérise par la convergence de crises multiples et complexes.
• Le monde incertain et ambigu des dernières décennies est devenu plus chaotique, voire incompréhensible.
• La transition d’un modèle VUCA à BANI représente une opportunité pour les entreprises les plus innovantes.
Des crises mondiales en cascade et entremêlées
D'après les évaluations du Fonds Monétaire International, la perspective d’une reprise globale reste lointaine en cette fin d'année 2024. Les effets de long terme du resserrement des politiques monétaires commencent à se manifester. Les écarts entre les différentes régions du monde se creusent :
• Les prévisions indiquent un ralentissement de la croissance mondiale, passant de 3,5 % en 2022 à 3,0 % en 2023 puis 2,9 % en 2024.
• Ces chiffres restent bien en deçà de la moyenne de 3,8 % constatée entre 2000 et 2019.
• Dans les pays développés, une baisse plus importante de la croissance est anticipée. Elle passerait de 2,6 % en 2022 à 1,5 % en 2023, pour atteindre seulement 1,4 % en 2024.
Semblant déjà oubliée, la pandémie de Covid-19 a pourtant encore des effets durables sur l’économie. Les prévisions de croissance mondiale établies avant la crise sanitaire tablaient sur un indice de 115 en 2024, avec une base 100 en 2019 . Ces estimations se situent désormais entre 108 et 111, selon le scénario envisagé.
La pandémie a aussi engendré la plus forte régression de la lutte contre la pauvreté depuis plusieurs décennies. Selon la Banque mondiale, le nombre de personnes vivant dans un dénuement extrême pourrait atteindre 685 millions d'ici la fin de l’année.
Une crise logistique et énergétique
Le Forum économique mondial a récemment fait le constat d’une perturbation durable des chaînes d'approvisionnement internationales, sous l’effet de cinq facteurs :
• L'envolée de l’inflation (6,9 % en 2023 selon le FMI ) pousse des millions de consommateurs à restreindre leurs dépenses. Cela génère une fragilité au niveau de la demande. • Le mécontentement social progresse dans le monde, notamment en Europe, où les actions revendicatives se multiplient.
• La flambée des prix de l'énergie incite les entreprises à prendre des mesures d'économie. Le prix du baril de Brent a connu une augmentation de 40 % entre 2021 et 2022 . Celui du gaz naturel a connu pendant la même période une progression spectaculaire de 130 % sur le marché européen .
• L'instabilité géopolitique, incarnée par la guerre en Ukraine ou la résurgence des tensions au Proche-Orient, nourrit un climat général d'incertitude.
• Les phénomènes climatiques extrêmes s'intègrent dans le contexte de la crise environnementale. En France, les inondations ont par exemple causé 25 fois plus de dommages en 2010 qu’en 1970 .
De VUCA à BANI : incertitude ou chaos ?
Au-delà de la succession étourdissante des crises et urgences, l’époque semble correspondre au glissement d’un schéma de pensée vers un autre. Les enjeux de gouvernance mondiale ont longtemps été considérés sous l’angle du modèle VUCA pour prendre en compte :
● La volatilité (V) d’un environnement évoluant de manière très rapide.
● L’incertitude ou uncertainty (U) du monde, c’est-à-dire son caractère imprévisible.
● La complexité (C), notamment la massification des informations accessibles à chaque instant.
● L’ambiguïté (A), avec des règlements et lois toujours plus nombreux, aux interprétations mouvantes.
Selon l’écrivain futuriste Jamais Cascio, il est « difficile de voir un schéma d’ensemble lorsque tout le monde insiste pour colorier en dehors des lignes ». Pour lui, comme pour d’autres, l’acronyme VUCA est désormais obsolète. Pourquoi ? L’émergence de nouvelles « situations dans lesquelles les conditions ne sont pas seulement instables » mais « chaotiques ». Cette réalité contemporaine est mieux décrite par le nouvel acronyme BANI. Le monde est désormais :
● Fragile (B pour brittle), avec des désastres multiples, des bouleversements réguliers, mettant en lumière la précarité des organisations.
● Anxiogène (A), avec un accès constant à l’information peu réjouissante.
● Non linéaire (N), plus rien n’étant certain ou évaluable à l’avance. Les liens de cause à effet deviennent confus.
● Incompréhensible (I), avec des événements sans logique, non prévisibles et inexplicables.
S’adapter dans un monde BANI reste possible
Le nouveau modèle BANI offre des opportunités de croissance spectaculaires pour tous les acteurs porteurs de solutions novatrices. En dépit des signaux d’alerte multiples, la résilience du marché économique mondial et sa capacité d’adaptation restent remarquables.
77 % des experts du Forum économique mondial anticipent une réponse des entreprises par l'innovation.
L’industrie électrique elle-même intègre la nouvelle donne mondiale dans sa réflexion, en les inscrivant au cœur même de sa stratégie de recherche et développement :
• Les nouveaux systèmes de gestion de l'énergie intelligents sont conçus pour optimiser l'utilisation de l'énergie, offrant une efficacité accrue dans sa distribution mais aussi sa consommation. Ils représentent une avancée essentielle pour une utilisation plus raisonnée de ressources énergétiques toujours plus rares et onéreuses.
• L'industrie électrique explore également des solutions pour décentraliser la distribution de l'énergie permettant de fournir de l'électricité à des quartiers entiers de manière autonome. Le modèle réduit la dépendance aux réseaux centralisés, trop fragiles.
• Les nouvelles applications Smart Home visent à rendre les foyers plus intelligents et écoénergétiques. Des solutions sont proposées pour optimiser la consommation d'énergie à domicile. Elles offrent un confort accru tout en réduisant l'empreinte écologique de chacun.
• L’émergence de solutions pour la mobilité électrique inclut la production de nouveaux véhicules propres, mais aussi des infrastructures de charge plus intelligentes.
Le basculement d’un monde VUCA à BANI témoigne de l’évolution d’un environnement instable toujours plus fragile, anxieux, non linéaire et incompréhensible. Pour autant, les entreprises peuvent s’adapter, innover afin de saisir de nouvelles opportunités.
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