« Chaque entreprise doit assumer sa responsabilité »

Interview de Pascal Demurger, co-président du Mouvement Impact France et directeur général de la MAIF
Par Ademe
Pascal, comment évaluez-vous l’engagement actuel des entreprises françaises dans la transition écologique ?
Pascal Demurger
La prise de conscience est là : 90 % des dirigeants français reconnaissent les enjeux sociaux et environnementaux, et 74 % des citoyens attendent des entreprises qu’elles agissent face au dérèglement climatique. Il ne s’agit plus de convaincre, mais d’agir – dans un contexte international instable, où certains reculs, comme ceux observés sous l’administration Trump, fragilisent les avancées.
Face à cette pression, la tentation de s’aligner existe. Mais notre intérêt est de miser sur une voie européenne : réindustrialisation verte, protectionnisme écologique, indépendance énergétique. Cela suppose des politiques publiques claires et stables, car l’instabilité freine la transition.
Au-delà des lois, il faut un récit commun. Sans vision désirable, les transformations nécessaires resteront inacceptables. Ce récit, fondé sur des bénéfices concrets – emploi, santé, qualité de vie – reste à construire. Les entreprises ont un rôle clé à jouer pour porter ce récit, à condition de le faire collectivement. C’est le sens de l’action d’Impact France. Mais elles ne peuvent pas tout : il revient aussi aux responsables politiques de prendre le relais pour bâtir une économie soutenable.
Au sein du Mouvement Impact France, comment accompagnez-vous la transition des entreprises ?
P. D.
Impact France est un mouvement de dirigeants et dirigeantes d’entreprises engagées, convaincus qu’une économie plus durable et équitable sera plus forte et plus efficace. Réussir une telle transition dépend de la volonté des entreprises, mais aussi de politiques publiques incitatives. Nous avons trois leviers à notre disposition pour convaincre la puissance publique d’agir dans ce sens. D’abord, la représentativité de notre mouvement : 30 000 entreprises sont adhérentes ou partenaires, de la TPE au groupe du CAC 40 en passant par de grandes entreprises publiques. Ensuite, la crédibilité de nos propositions, par exemple sur la loi anti fast fashion, sur la CSRD ou sur la conditionnalité des aides publiques. Enfin, notre présence dans le débat public via des prises de parole dans les médias ou des rendez-vous avec des responsables politiques.
Existe-t-il des modèles d’entreprises ou des initiatives européennes qui vous inspirent ? Comment pourraient-ils s’appliquer en France ?
P. D.
J’observe de plus en plus d’entreprises, dont le cœur de métier a structurellement des impacts négatifs pour l’environnement, faire le choix de renoncer à la vente de certains produits pour se rediriger vers des activités moins polluantes. Le premier exemple qui me vient en tête est Lush, entreprise britannique de cosmétiques, qui a retiré dès 2013 toutes les paillettes en microplastiques de ses produits. On pourrait également citer Mustela, marque de produits infantiles, qui a annoncé en 2024 renoncer à commercialiser ses lingettes pour bébé, qui représentaient pourtant 20% de son chiffre d’affaires ; ou encore Evaneos, agence de voyage, qui ne propose plus depuis 2023 de « city break », ces courts week-ends dans des capitales européennes nécessitant bien souvent un transport aérien. À la Maif aussi, nous avons fait des choix similaires : nous n’investissons pas dans certains secteurs comme le tabac, les OGM ou les énergies fossiles, pourtant rentables à court terme. Plus qu’un renoncement, c’est une orientation des activités vers des secteurs plus durables, et donc plus bénéfiques à long terme.
La MAIF, en tant qu’entreprise à mission, a instauré un « dividende écologique ». Quels résultats concrets cela a-t-il généré ?
P. D.
En 2023, nous annoncions notre choix de reverser chaque année 10 % de nos bénéfices à la planète. Cette nouvelle forme de dividende se divise en deux piliers. Le premier consiste à financer des projets de régénération et de protection de la biodiversité, comme le reméandrement de cours d’eau ou la restauration de zones humides. Près de 4 millions d’euros ont été utilisés pour financer 14 projets sur tout le territoire, sélectionnés via un appel à projet et un avis des représentants de notre communauté de sociétaires. Le deuxième volet vise à renforcer la solidarité climatique : nous accompagnons nos sociétaires les plus vulnérables et les plus exposés aux catastrophes naturelles en prenant en charge des travaux pour rendre leurs logements plus résilients face au risque d’inondation.
Selon vous, à l’horizon 2030, quelles priorités d’action devraient guider les entreprises pour rester dans les limites planétaires tout en restant compétitives ?
P. D.
Nous devons impérativement retrouver un alignement entre les intérêts de long terme et ceux de court terme. Il faut que les entreprises aient un avantage immédiat à transformer leurs modèles. Il n’y a, à mon sens, que la puissance publique qui puisse réconcilier durablement ces deux temporalités, en revoyant certaines réglementations. C’est tout le sens des propositions que je porte avec Impact France, comme la conditionnalité des aides publiques ou la modulation de la fiscalité des entreprises en fonction de leur comportement : en faisant des choix vertueux au long terme pour l’environnement ou la société, l’entreprise perçoit des intérêts financiers immédiats et accélère sa transformation au bénéfice de tous.
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