webleads-tracker

Les récentes initiatives du pionnier de l’e-commerce montrent qu’il est en train de créer la consommation de demain, au nez et à la barbe des grands retailers.

Le digital n’est pas un marché, ni une fin en soi. Le digital est un outil. L’outil, par exemple, qui a permis à Jeff Bezos d’appliquer à la distribution physique sa fameuse maxime « your margin is my opportunity », en développant un nouveau canal de vente. Fin janvier, Amazon annoncera un chiffre d’affaires 2016 avoisinant les 130 milliards de dollars grâce à une croissance de 20%, deux fois plus élevée que celle de l’e-commerce américain. Amazon va donc plus vite que son marché, mais aussi que ses principaux concurrents, à commencer par le mastodonte Walmart, dont la croissance des ventes en ligne oscille depuis un an entre 7% et 12%. Bref, l’e-marchand creuse l’écart et tout laisse penser que celui-ci va encore s’accentuer. Comme sa récente incursion sur les PLA, les résultats sponsorisés de Google avec image du produit, qui pourrait coûter très cher à ses rivaux en acquisition de trafic. Ou l’augmentation continue des recherches en ligne de produits qui démarrent sur sa plateforme (52% en décembre aux Etats-Unis, contre 26% sur les moteurs de recherche, d’après le cabinet Raymond James).

On pourrait croire que le bulldozer de Seattle se contente d’écraser le web marchand. On aurait tort. Le lien est déjà établi entre l’essor d’Amazon et le déclin des centres commerciauxles fermetures de centaines de magasins Macy’s, Kohl’s, Marks&SpencerSears, Gap, JC Penney, Dillard’s, ou encore la fuite des boutiques de luxe de la 5ème avenue. En France, Vivarte ne le contredira pas. Ce qui change désormais ? C’est qu’alors qu’Amazon prenait des parts de marché aux distributeurs physiques en demeurant sur sa plateforme électronique, il descend maintenant sur leur terrain. Sauf qu’il ne se contente pas d’ouvrir des boutiques, comme le font nombre de pure players depuis quelques années. A bien regarder ses incursions offline, il prend même un grand coup d’avance sur les retailers, justement grâce à sa profonde maîtrise du digital.

Lockers, Amazon Prime Now, Dash et Alexa

En France, une multitude d’initiatives prises en 2016 a incarné cette évolution. Présent sur l’alimentaire depuis septembre 2015, Amazon.fr s’appuie selon nos estimations sur près de 200 Lockers actuellement, des consignes automatiques que l’on peut voir comme autant de drives piétons. A Paris, Amazon Prime Now se positionne depuis juin sur les courses du quotidien livrées en une ou deux heures. L’Américain empiète désormais directement sur le pré-carré de la grande distribution, à tel point que Franprix s’est senti obligé de le devancer de quelques mois et Carrefour de leur embrayer le pas en quatrième vitesse. Ne disposer que d’un entrepôt au lieu de réseaux de supermarchés ne gêne aucunement Amazon : son entrepôt lui garantit une offre plus large et son service s’appuie désormais aussi sur les magasins d’enseignes partenaires.

La grande distribution n’avait jusqu’ici que peu prêté attention à la livraison à domicile de son offre alimentaire. Lorsqu’Amazon commence à se faire une place dans les courses les plus récurrentes de leurs clients, c’est qu’il est temps de réagir. Y compris à la façon d’Auchandirect, dont le nouvel entrepôt de Chilly-Mazarin va lui permettre de livrer en six heures à Paris une large offre de 18 000 références. Car avec son service, Amazon fait plus que réactiver l’intérêt pour la livraison à domicile. Il répond à des besoins utilisateurs et s’insère dans leurs parcours de vie, quand les distributeurs cherchent toujours à s’infiltrer dans leurs parcours de courses.

Les boutons Dash : une pression du doigt déclenche une commande © JDN

Ce parti pris, apporter un bénéfice au client, guide Amazon depuis son lancement. Que cela implique de se glisser dans le quotidien des consommateurs s’est renforcé avec les années et s’incarne de façon plus frappante encore avec ses devices pour la maison : les boutons Dash, lancés en France en novembre, la télécommande Dash et le Dash Replenishment Service aux Etats-Unis, le haut-parleur intelligent Echo… Que l’utilisateur appuie sur un bouton pour déclencher un réapprovisionnement de shampoing quasiment sans y penser, ou qu’il ajoute un article à son panier grâce à un ordre vocal capté à la volée par Alexa, la plateforme Web ou mobile disparaît : Amazon devient alors une présence quasi-immatérielle dans la vie des consommateurs. Cerise sur le gâteau, avec les boutons Dash, l’e-marchand marque aussi une nouvelle incursion dans un des bastions de la grande distribution – les produits de grande consommation -, en inventant là encore une nouvelle façon d’acheter, qui met le digital au service d’une consommation totalement fluide.

Des épiceries physiques nouvelle génération

Le dernier coup de boutoir en date est évidemment celui d’Amazon Go. On se doute depuis longtemps qu’il sera un jour possible de faire ses courses ainsi : mettre les articles dans son sac et quitter le magasin sans passer par la caisse. Mais qu’Amazon soit le premier à le proposer est une autre affaire. Quand ouvrira son épicerie, d’ici quelques semaines à Seattle, Amazon deviendra un retailer au sens strict, et non plus un quasi-retailer. Or se moquer du gros méchant Américain peut certes fonctionner 3 minutes sur Youtube, mais on cherche toujours un retailer qui mettrait vraiment le digital au service de l’expérience des acheteurs sans limiter sa politique d’innovation à la collecte de data pour les faire dépenser plus.

Mettre les articles dans son sac et s’en aller : le parcours d’achat d’Amazon Go © Amazon

En décembre, Amazon a démenti le projet d’ouvrir 2 000 épiceries que lui prêtait le Wall Street Journal. Reste que le géant de l’e-commerce n’a pas conçu Amazon Go uniquement pour publier une vidéo sympa. Jeff Bezos a toujours dit qu’avant d’ouvrir des magasins, il s’assurerait d’apporter quelque chose à l’expérience des boutiques traditionnelles. Nous y sommes. Et quel que soit le rythme de déploiement adopté, des épiceries de quartier vont beaucoup apporter à Amazon :

  • D’abord l’évidence : se positionner sur les courses les plus fréquentes des consommateurs, avec l’expérience de très loin la plus agréable, donc très fidélisante.
  • Ensuite : profiter du digital pour accroître la rentabilité des magasins. L’e-marchand envisagerait notamment des formats de 3 700 m², 10 fois plus grands que le 1er Amazon Go, commercialisant les 20% de références qui font 80% des ventes (donc peu de produits frais, peu de stocks et moins de coûts d’entretien : comme les discounters européens à la Lidl), avec de multiples écrans tactiles pour compléter ses achats sur place.
  • D’autre part : massifier ses flux et réduire les coûts du dernier kilomètre, puisque livrer un magasin coûte moins cher que livrer des particuliers avec Amazon Fresh ou Prime Now. Exactement la raison pour laquelle les retailers préfèrent le drive à la livraison à domicile, y compris aux Etats-Unis où Walmart a accéléré en 2016 le déploiement du format.
  • En conséquence : utiliser ces épiceries comme points de retrait ou drives, ce que semble confirmer le chantier du premier drive d’Amazon à Seattle.

Ce dernier point renforce d’ailleurs un autre aspect sur lequel Amazon est en train de passer devant les retailers : l’articulation de l’offre alimentaire et non-alimentaire. Alors que les enseignes de grande distribution conservent une séparation nette entre les deux, Amazon les commercialise sur le même portail, les stocke de plus en plus dans des entrepôts côte à côte, et les livre parfois ensemble dans les camionnettes Amazon Fresh. Une approche plus simple pour le client, qui bénéficie aussi au marchand qui souhaite profiter de la récurrence des courses alimentaires pour attirer les acheteurs du côté non-food, où les marges sont meilleures.

Vers une nouvelle espèce de retailers

En Australie, les projets d’Amazon sont tout aussi édifiants. Lors d’un briefing rapporté en novembre par l’Australian Financial Review, l’Américain aurait annoncé son intention de relever tous les prix des magasins physiques puis de fixer les siens 30% en dessous. Effectivement, les marges du retail australien sont parmi les plus élevées au monde. Amazon devrait donc dès cette année se faire une joie d’ouvrir des centres de distribution dans tous les Etats du pays pour y vendre du non-alimentaire et de l’alimentaire (dont du frais) à partir de septembre, mais également d’ouvrir des boutiques physiques. « Nous allons détruire l’environnement du retail en Australie », aurait conclu le responsable de ce déploiement.

Certes, il est un peu tôt pour planifier le coup de grâce du retail mondial. En revanche, l’examen minutieux des initiatives d’Amazon mène à une conclusion claire. Son obsession de mettre le digital au service des consommateurs le conduit à se positionner sur la totalité de leurs démarches d’achat, y compris offline, et à devenir le premier vrai retailer digitalisé.

 

Source : journaldunet.com

Abonnez-vous à notre Newsletter !

Vous recevrez une fois par mois la Newsletter de l'Innovation par les Services et du Management Agile.

Vous êtes désormais abonné(e) à la Newsletter de Serv&Sens.

Share This