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Une économie relationnelle, d’accord, mais quel est le juste prix de la relation ?

Notre économie est de plus en plus fondée sur la relation à l’Autre – et il en est notamment question dans le développement de ce qu’il est convenu d’appeler « l’économie collaborative ». Dans un monde digitalisé – et il va l’être de façon croissante – c’est bien la relation avec une personne qui reste créatrice de valeur : parce que j’ai un souci et qu’une voix humaine me rassure et m’assiste, parce que bien des services ne peuvent se passer de la proximité à l’Autre (la coiffure, les soins à domicile…), ou encore parce que je ressens tout simplement le besoin de rester connecté(e) avec mes proches (via Skype, les réseaux sociaux ou plus simplement mon téléphone…).

Or cette valorisation doit aussi pouvoir être économique. Il nous faudra donc accepter de payer le juste prix de la relation et ce n’est pas le cas aujourd’hui : le client veut et les prix bas, et l’assistance d’une personne ; ce n’est tout simplement plus possible – sauf à trouver des modalités de mutualisation telles qu’une société comme Domplus peut l’incarner (pour un certain nombre de grands acteurs du secteur de la prévoyance en l’occurrence).

Pour ce faire, de nouveaux modèles économiques vont devoir être imaginés afin que le coût de la prise en charge « de l’Homme par l’Homme » soit pleinement intégré, au bénéfice des clients mais aussi des équipes et de la valorisation de leurs actes – et de leurs conditions de vie.

Le digital pour industrialiser mais aussi pour créer les Technologies de la Relation

L’économie collaborative, qui connaît un réel décollage, repose sur trois piliers : le smartphone (et une plateforme Internet) comme support physique, une culture de l’usage (et moins de la propriété) et enfin la rencontre entre des personnes (à distance et/ou physiquement, dans le cas du co-voiturage ou de la location de voitures entre particuliers par exemple).

L’économie numérique est donc pour une large part une économie de la (mise en) relation : elle créera de plus en plus de valeur en rapprochant les Hommes, leurs besoins, leurs fragilités, leurs expertises, leur temps disponible, leurs complémentarités ou encore leurs biens. Elle aide ainsi à libérer du temps et des ressources que nous pouvons affecter à d’autres relations, à d’autres besoins – à nos proches notamment.

Il ne faut pas y voir un paradoxe : « La machine conduit ainsi l’homme à se spécialiser dans l’humain », écrivait déjà Jean Fourastié il y a de cela plus d’un demi-siècle. C’est bien cette vision du digital qui, seule, permettra de féconder les nouvelles modalités de l’économie relationnelle et leurs modèles économiques.

Les clients et les collaborateurs sont d’abord des personnes : de la symétrie des attentions à la réciprocité des attentions

Le client n’est plus le client « roi ». L’économie relationnelle repose en effet sur une vraie réciprocité, celle dont Erving Goffman parlait déjà il y a plus d’un demi-siècle : « Je te fais confiance car je ne sais pas faire cela et, de ton côté, tu respectes mon incompétence et tu mets réellement en œuvre les moyens sur lesquels tu t’engages pour résoudre mon problème ».

Il n’y a pas de dominant/dominé, il a deux personnes dont la rencontre ne peut avoir lieu que si chacun regarde, entend et respecte l’autre. Si, en sortant du restaurant d’entreprise, je ne salue par la personne qui récupère et nettoie mon plateau, je ne peux pas attendre de sa part la moindre attention : la logique de la personnalisation, dont on parle tant, repose bien sur cette culture de la réciprocité dans la considération de la personne qui se cache derrière le professionnel qui nous rend service. Car la personnalisation, cela fonctionne dans les deux sens.

L’économie relationnelle sera donc une économie de la réciprocité, ou elle ne sera pas.

La culture de service, ce n’est pas que pour les équipes : la question de son apprentissage par les dirigeants

Dans le parcours éducatif qu’ils ont suivi, il y a peu de chance pour que le marketing des services ait fait partie des enseignements reçus ; par la suite, ils ont rarement été challengés sur leurs pratiques managériales, et nombre d’entre eux se sentent mal à l’aise dans le registre de la relation car diriger, c’est décider, et les conséquences humaines des décisions qu’ils doivent prendre les amènent souvent à prendre leur distance vis-à-vis de l’Humain. En dehors de quelques métiers où l’opérationnel a force de loi – je pense ici au monde de la distribution ou à celui de la SNCF – il est enfin peu probable qu’ils aient eu l’opportunité d’être au service de leurs clients – directement s’entend. C’est d’ailleurs ce qui conduit certaines grandes entreprises à organiser des « vis ma vie » pour leurs dirigeants, afin qu’ils retrouvent le sens et la réalité d’un contact direct avec les clients.

Pour autant, la transformation culturelle que représente le sujet du Service ne peut réussir qu’à deux conditions : que ce changement soit incarné par les dirigeants et qu’ils puissent donner des preuves concrètes de leur propre transformation. Leur vision en sera nourrie, elle en sera éclairée de façon crédible. S’ils en restent à des discours froids relevant l’importance du client et de sa satisfaction, ils demeureront inaudibles à moyen terme car non crédibles : on parle de l’expérience vécue par un client, des Hommes et du service avec passion, avec chaleur, avec émotions, ou l’on se réfugie derrière le NPS et tout cela ne fait pas long feu…

L’économie relationnelle deviendra une réalité lorsque les dirigeants eux-mêmes en auront fait l’apprentissage.

 

Par Benoît MEYRONIN, Professeur à l’EM Grenoble

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