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Face aux changements climatiques et aux conséquences de notre logique de « croissance infinie », ne serait-il pas temps de passer d’une circularité faible à une circularité forte, en allongeant la durabilité des produits et en intensifiant leurs usages ?

Un peu d’histoire

La notion d’économie circulaire, bien que plus ancienne, a été réellement popularisée au début des années 2010 par la Fondation Ellen MacArthur (#FEM), en présentant le concept dans un rapport grand public avec le cabinet McKinsey à Davos, en 2012. Ce rapport, élaboré dans sous la forme d’un récit mobilisateur aussi bien utopique que rationnel, a permis une diffusion rapide dans tous les milieux (économiques, politiques et sociaux). En France, un Institut National de l’Économie Circulaire (#INEC) est créé en 2013 et l’#ADEME a publié un premier rapport sur le sujet cette même année.

Le point clé a été d’opposer l’ancien modèle de l’économie linéaire au modèle désirable pour les générations futures de l’économie circulaire, construit sur l’idée très visuelle de circularité (représentée un cercle), symbole d’éternité dans toutes les civilisations. Appliqué à l’économie circulaire, la circularité signifie qu’à la fin de leur exploitation, les produits (et leurs déchets) peuvent retrouver une nouvelle vie sous la forme de matières recyclées, de produits reconditionnés ou réparés…

En France, les premières assises de l’économie circulaire, organisées en 2014, remportent un vrai succès. Mais sur une base de simplification extrême où l’économie circulaire se réduit à donner une nouvelle vie aux produits et aux déchets, sous la forme de matières recyclées ou de produits reconditionnés.

Certes, cela permet de créer des millions d’emplois et des richesses économiques évaluées par la Commission européenne à 1 % de croissance du PIB supplémentaire.

Mais toutes les formes de recyclage ne peuvent répondre qu’à une partie des besoins réels, dans la mesure où notre modèle de société est fondée sur une économie en croissance… qui nécessite donc de consommer toujours plus de matières premières.

Cela peut se traduire par la notion de circularité faible : les entreprises ne changent pas leur modèle d’affaires et se contentent d’aménagements à la marge.

Soyons pragmatiques

Il est clair qu’il n’est pas possible de tout réutiliser, ou de tout recycler à l’infini. La matière finit toujours par se dégrader, inévitablement, et si vous la récupérez pour faire du neuf, vous devez souvent ajouter de la matière vierge et/ou ajouter de l’énergie pour obtenir un nouveau produit. De même, les produits et équipements peuvent être réparés un certain nombres de fois, jusqu’au moment où ils arriveront, inévitablement, à une fin de vie. C’est le principe de l’entropie.

Ensuite, de nombreux produits ont un usage « dispersif », à l’instar des produits chimiques que l’on épand sur les terres agricoles ou des peintures sur les murs demeurent irrécupérables. Il semble encore impossible de collecter l’intégralité des déchets que nous générons. Certains sont perdus dans la nature ou se trouvent mélangés à d’autres déchets, car en quantité trop faible pour être triés, et finissent en décharge alors qu’ils auraient pu être recyclés.

Certaines entreprises prospèrent dans le recyclage. En effet, pour réussir à valoriser nos déchets, il faut les récupérer, les trier, parfois les dépolluer, pour enfin les recycler ou les réparer ; tout cela dans le cadre de filières bien organisées. Mais s’il manque un maillon dans cette chaîne ou qu’il s’avère défaillant, la boucle de circularité ne fonctionne plus.

Par exemple, dans les centres de tri des déchets, les conditions de travail sont difficiles, et ils ont du mal à recruter : les odeurs difficiles à supporter, le bruit, les risques d’incendies, etc. Et, des filières illégales se sont également développées, dévoyant les principes fondateurs, en ne prenant que ce qui a de la valeur dans les produits, pour rejeter le reste dans la nature, sans supporter les coûts de dépollution… 

Et même, dans tous les cas, en imaginant que nous arrivions à récupérer toutes les matières, primaires et secondaires, des produits fabriqués grâce à des technologies à venir, cela ne suffirait pas à alimenter une économie en croissance. Pour fabriquer le 1,5 milliard de smartphones vendus dans le monde en 2022, alors qu’on en vendait 680 millions en 2012, il a bien fallu extraire près de 2,5 fois plus de métaux en 10 ans…

Le recyclage ne peut donc répondre qu’à une partie des besoins d’une économie en croissance. Tous les scénarios fondés sur une « circularité infinie » où nous n’aurions plus besoin de ressources primaires sont donc erronés… dans un monde en perpétuelle croissance. Un rapport récent de l’Agence Européenne pour l’Environnement (#AEE) souligne qu’aucun découplage ne s’est produit entre l’empreinte matière et la croissance du PIB au cours des 30 dernières années. Autrement dit, la consommation de ressources non renouvelables a cru au même rythme que l’augmentation des richesses économiques.

Les pouvoirs publics français ont un rôle majeur. L’ambiguïté, pour l’instant, de leurs discours produit des injonctions contradictoires. D’un côté, ils promeuvent l’économie circulaire et une certaine forme de sobriété, avec la loi #AntiGaspillage pour une Économie Circulaire (loi #AGEC), et dans le même temps, ils encouragent la promotion des technologies pour la croissance « verte » (véhicule électrique, éoliennes en mer, mini centrales nucléaires, hydrogène vert… du plan #France2030) qui ont pourtant une empreinte matière élevée et engendrent ainsi des transferts de pollution. L’hypothèse implicite est que la croissance de la production et de la consommation peut être poursuivie indéfiniment puisque des solutions technologiques « propres » seront développées. Or, la vérité se trouve probablement entre les deux : engager une transition circulaire forte, fondée sur la sobriété et le développement de technologies écoconçues.

Il faut distinguer circularité faible et forte

La plupart des entreprises font de la circularité faible, en ne changeant pas leur modèle d’affaires. Elles optimisent les procédés, font éventuellement de la maintenance et du recyclage mais sans renoncer à la croissance des volumes produits.

Ces stratégies ne sont donc pas compatibles avec le respect des limites planétaires. Il faut miser sur une circularité forte, fondée sur des principes de sobriété et d’allongement de la durée de vie des produits et des infrastructures. Par exemple, une perceuse électrique est utilisée en moyenne 12 minutes sur toute sa durée de vie… Et qui n’a pas dans sa cuisine ou son garage, des appareils dont il ne se sert que quelques fois par an ? 

L’enjeu de la circularité forte n’est pas de réduire la production de richesses, mais de les générer autrement.

Elle se fonde sur deux piliers : allonger la durabilité des produits et intensifier leurs usages, notamment grâce à l’éco-conception et l’économie de la fonctionnalité.

Dans le monde du grand public, un exemple significatif est celui de #FnacDarty, qui détient un tiers du marché français des produits électriques et électroniques. Forte de l’ancienneté de son #SAV (service après-vente) et d’un réseau de réparateurs de plus de 2 500 personnes qu’ils forment eux-mêmes, ils sont en mesure d’intervenir rapidement partout sur le territoire avec un niveau de service élevé. En tirant parti de l’introduction de l’indice de réparabilité dans la loi #AntiGaspillage pour une Économie Circulaire, l’entreprise a lancé des formules d’abonnements de réparation de tous ses produits (#DartyMax). Au bout d’un an seulement, ils en avaient vendu 500 000, avec pour objectif d’en vendre 2 millions en 2025. Parallèlement, elle cherche à orienter le choix de ses consommateurs et l’offre de ses fournisseurs en établissant un palmarès des produits les plus durables, et à réduire l’offre aux produits les plus durables. Cette entreprise démontre qu’il est possible de basculer progressivement d’un modèle d’affaires de la vente de produits (aujourd’hui très concurrencée par les plateformes comme Amazon) vers celle de #services, de sorte à fidéliser la clientèle.

L’économie de la fonctionnalité et de la coopération (#EFC), qui consiste à vendre une performance d’usage plutôt que le produit lui-même, en réimaginant la répartition de la valeur générée sur l’ensemble des parties prenantes, est un autre modèle prometteur, expérimenté par un nombre croissant d’entreprises.

Pour développer des modèles de services associés aux produits, avec moins d’impacts environnementaux, il est essentiel de repenser le modèle d’affaires. Les produits doivent à la fois avoir été éco-conçus, être facilement maintenables, réparables et recyclables et mettre en place des réseaux d’intervenants sur les territoires pour assurer les services auprès des clients.

Le cas historique est Michelin qui a développé l’offre de « Tyres-as-a-service » (vendre des pneus comme un service), proposée à des clients professionnels (flottes de poids lourds, de bus…), porte sur l’entretien des pneus, leur réparation (rechapage, recreusage) et leur recyclage en fin de vie. Les transporteurs peuvent se concentrer sur leur cœur de métier, et le professionnel qu’est Michelin dans le domaine des pneus peut exprimer toute sa plus-value, en assurant une croissance économique.

La transition vers des modèles économiques plus vertueux implique de profonds changements, impactant toute l’entreprise, sans pour autant remettre en cause sa pérennité, bien au contraire. Si vous envisagez d’étudier la faisabilité dans votre contexte ou vous souhaitez être accompagnés dans cette transformation, des solutions existent, certaines étant co-financées. Parlons-en.

Laurent Mellah

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