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Les politiques RH (Ressources humaines) et RSE (Responsabilité sociétale et environnementale) fondées sur l’engagement conduisent à une impasse, celle du sur-investissement unilatéral. Il faut renverser la logique pour passer à une approche d’« empowerment », c’est-à-dire de pouvoir d’agir et d’intelligence collective. Pour cela, il faut mettre davantage d’implication et de dialogue là où il n’y en a pas assez : dans la société ET dans l’entreprise. Mais si le gouvernement a lancé le Grand débat national, reconnaissant la valeur de la parole des citoyens, celle des collaborateurs au sein de l’entreprise reste dans l’angle mort. Le débat serait donc bénéfique pour la Société mais pas pour les sociétés ? Malgré la soif d’implication de la part des salariés, malgré les bénéfices bien connus de la démarche, l’intelligence collective peine à se développer dans les entreprises françaises. Il faut donc s’interroger sur le pourquoi de cette situation, sur les facteurs clés de succès à réunir et sur les outils à mobiliser.

Les politiques RH et RSE fondées sur l’engagement conduisent à une impasse

L’engagement est le graal des politiques RH aujourd’hui. L’engagement et la mobilisation sont deux termes à forte consonance militaire. Qu’ils soient ou non réfractaires au changement, les Gaulois se souviennent de cette injonction : « Engagez-vous, rengagez-vous qu’y disaient ! ». Quant à la mobilisation, elle n’a pas besoin d’être générale pour sentir la poudre à canon.

L’engagement est marqué par trois caractéristiques :

  1. Il est fondé sur la discipline et l’obéissance ;
  2. Il est irrémédiable (si vous vous « engagez » dans une direction, vos possibilités de faire demi-tour s’amenuisent) ;
  3. Il est passionnel et nous prive de liberté (on s’engage comme on s’attache, comme on affermit les liens).

Ces trois caractéristiques convergent vers une constatation : le silence dans les rangs. L’engagement abolit en effet la prise de distance critique, le pas de côté, la capacité de discussion. L’engagement étouffe le dialogue et l’initiative.

Il traduit aussi un déséquilibre profond du contrat social, c’est-à-dire des attentes mutuelles, explicites mais souvent implicites entre le salarié et son employeur. Les entreprises voudraient que les salariés soient engagés dans leur travail, alors même qu’elles sont moins enthousiastes à investir dans le travail durable (contrats précaires, travail jetable,…) et souhaitent l’avènement d’un marché du travail fluide et hyper flexible, dans lequel le salarié s’ajuste aux soubresauts économiques. Lorsque l’engagement n’est pas mutuel, le contrat social est pipé.

A l’engagement (ou à la mobilisation), Martin Richer préfère les démarches de motivation ou d’implication. Pour motiver, pour impliquer, il faut du sens. Il faut donner la parole. Il faut aussi une contrepartie. Cela renvoie à un aspect fondamental : l’autonomie dans le travail et la richesse du contrat social.

De même, certaines politiques de RSE (Responsabilité Social des Entreprises) misent essentiellement sur l’engagement individuel (ex : consignes comportementales d’économie d’énergie ; exhortation au respect des consignes de sécurité…) et par conséquent passent à côté de l’essentiel car la démarche de RSE s’appuie à la fois sur la responsabilité individuelle et sur l’apprentissage collectif. Les engagements auxquels conduit la RSE sont des engagements collectifs, qui passent par la responsabilité et la liberté des acteurs. Comme l’affirme justement un article de MPM, « le couple liberté-responsabilité est au cœur de la notion d’engagement individuel et collectif. Croire qu’il peut y avoir un engagement sans liberté est un leurre. Croire qu’on peut accepter un engagement sans responsabilité est un leurre aussi. Se désintoxiquer de ces deux fausses croyances sera pour le manager de demain une nécessité ».

La soif d’implication des salariés constitue un terreau fertile

Les processus de concertation et de débat collectif se sont développés d’une part dans le public (État, grands projets d’équipement, collectivités territoriales) et d’autre part dans le privé en s’ignorant superbement. Pourtant, le travailleur et le citoyen ne sont pas deux facettes déconnectées d’une même personne, mais reflètent des attitudes et des aspirations qui sont à la fois en partie communes et en interaction.

Dans son rapport, publié en 1982, Jean Auroux, ministre du Travail, livrait la logique à l’origine des textes de loi qui portent son nom : « citoyens dans la cité, les travailleurs doivent l’être aussi dans l’entreprise ». Dans une interview qu’il m’a accordée, il mentionnait « les services de ressources humaines, que je préfèrerais appeler ‘des Relations Humaines’ », illustrant sa vision de l’homme au travail comme potentiel plutôt que comme ressource instrumentale.

Riche de sa double expérience d’entrepreneur (fondateur du Groupe Hervé en 1972) et d’homme politique (maire de Parthenay en 1979, puis député des Deux-Sèvres en 1986 et enfin député européen en 1989), Michel Hervé a publié en 2015 un ouvrage intitulé « Une nouvelle ère, sortir de la culture du chef » dans lequel il met en parallèle les évolutions souhaitables de la politique et de l’entreprise. Pour pouvoir pleinement bénéficier des fruits de la nouvelle ère qui s’ouvre, que l’auteur qualifie de « démocratie concertative », il nous faut « adopter un mode de gouvernance qui garantisse, à chaque échelon de l’exercice du pouvoir, à la fois la participation et la représentation, la liberté et l’égalité, la fraternité et l’a-centralité, le holisme et l’harmonie, à rebours de la monarchie politique et économique ».

Et de fait, la demande d’autonomie des salariés et des équipes de salariés a conduit de nombreuses entreprises, pas toutes « libérées », à mettre en place des formes de dialogue entre salariés, entre salariés et management, entre salariés et direction. Les mots pour désigner ces manières de faire reflètent la variété des solutions trouvées : démarches participatives, responsabilisation des salariés, dialogue collaboratif, management délibératif, dialogue professionnel, intelligence collective, espaces de discussion, réunions d’expression, forums participatifs, innovation collaborative…

Pourtant, la réalité est loin de cet idéal : bien souvent, dans la vie politique comme dans l’entreprise, les décisions sont prises sans que les personnes qu’elles concernent ne se sentent véritablement impliquées. Avec Danielle Kaisergruber et Gilles-Laurent Rayssac, Martin Richer soutient l’hypothèse – qui est étayée dans un rapport que vient de publier Terra Nova – que les difficultés de la concertation au sein de la Nation, des collectivités territoriales et de l’entreprise font système. Les insuffisances de la pratique de la démocratie au quotidien dans l’espace public et le manque de débats et de participation dans les entreprises se renforcent. Les faibles possibilités d’expression et de dialogue là où l’on travaille ajoutent aux frustrations des citoyens là où ils vivent.

C’est donc une culture du dialogue, de la délibération, qu’il faut développer, à la fois pour apaiser les frustrations dans la Cité et améliorer le climat et les conditions de travail dans l’entreprise. Cette ingénierie de la discussion est aussi un atout pour mieux permettre à chacun, citoyens et travailleurs, de se sentir écouté, de prendre des initiatives, de trouver sa place, c’est-à-dire de s’impliquer.

Les français sont en phase avec cette idée de congruence entre la délibération dans la Société et celles qui devraient se tenir dans les sociétés. D’après le baromètre de l’intelligence collective, mené par BVA pour Bluenove et publié en décembre 2018, près de 6 français sur 10 estiment que les mobilisations démocratiques menées par l’Etat ou les collectivités territoriales doivent avoir un impact sur les attentes à l’égard des entreprises (consultation, participation à la prise de décision…). En particulier, 37% des français considèrent que « comme dans la vie démocratique, les français devraient être plus consultés par leur entreprise » ; pour 20%, « comme dans un projet de loi citoyen, les français devraient de plus en plus pouvoir amender ou modifier une décision au sein de leur entreprise ».

A de nombreuses reprises, Laurent Berger, secrétaire Général de la CFDT a indiqué que la première attente issue de la vaste enquête “Parlons travail”, réalisée par son syndicat et publiée en mars 2017 à laquelle ont répondu plus de 200.000 salariés, consistait en la volonté d’avoir son mot à dire, dans le travail et dans le fonctionnement de l’entreprise. Quelques chiffres de cette enquête, qui montrent un fort consensus proche ou supérieur à 75% :

  • 79 % des répondants aimeraient que leur entreprise ou administration ait un fonctionnement plus démocratique ;
  • 73 % d’entre eux veulent participer davantage aux décisions importantes qui affectent leur entreprise ou administration ;
  • 74% préfèreraient plus d’autonomie à plus d’encadrement.

L’enquête révélait aussi que les travailleurs qui souffrent le plus au travail sont ceux qui disent ne pas avoir assez d’espace pour s’exprimer ou pour s’organiser.

De leur côté de nombreux dirigeants d’entreprise ont pris au sérieux cette soif d’implication en travaillant sur des modes alternatifs d’organisations du travail en rupture plus ou moins forte avec le taylorisme : entreprise libérée, organisations responsabilisantes, holacratie, management agile, etc. Ces tentatives ont débouché sur des résultats très divers, souvent liés à l’authenticité de la démarche.

Il faut renverser la logique pour passer à une approche d’intelligence collective

Les dirigeants et les DRH entrent dans la problématique du lien entre le salarié et l’entreprise par la logique de l’engagement. Cette approche ne considère pas le collaborateur comme le détenteur d’un potentiel humain que l’on va solliciter mais comme une « ressource humaine », instrumentale, que l’on va chercher à engager, de façon discrétionnaire. Elle conduit à une impasse, celle du sur-investissement unilatéral, d’un contrat social déséquilibré qui ne peut satisfaire durablement les deux parties.

Les enjeux de notre époque imposent de renverser cette logique au profit d’une approche d’« empowerment ». Au même titre que JF Kennedy demandait à ses compatriotes d’être attentifs à ce que chacun peut faire pour son pays plutôt qu’à ce que son pays peut faire pour lui, dirigeants et DRH doivent solliciter l’intelligence collective plutôt que de chercher à obtenir un engagement unilatéral de leurs salariés.

Comme l’écrit Patrick Bouvard, fondateur de RH Info, « le fameux ‘engagement’ des collaborateurs, au sens d’un investissement maximal de chacun comme exécutant sans états d’âme les ordres de la hiérarchie dans un sacerdoce dédié à leur unique entreprise… est mort. L’engagement, en fait, a changé de sens : il correspond davantage aujourd’hui à l’épanouissement des potentiels de l’individu et des équipes ; il correspond à cette notion d’empowerment, en plein développement dans nombre d’entreprises, dès lors que le management en a compris les bienfaits pour l’entreprise elle-même ».

Le concept anglo-saxon d’empowerment est très riche et contrairement à ce qui est souvent affirmé, est parfaitement traduisible dans le contexte français. Sans forcément faire le détour par nos cousins canadiens, qui utilisent le terme d’empuissancement, voire d’empouvoirisation, on peut retenir deux expressions issues de l’ergonomie et de la sociologie du travail : « pouvoir d’agir » et « latitude décisionnelle ». Mais ces dernières présentent l’inconvénient d’être attachées à l’individu, alors que l’empowerment plonge ses racines dans des processus collectifs. Patrick Bouvard le définit d’ailleurs ainsi : « l’empowerment consiste en ce que tous les acteurs de l’entreprise – au premier rang desquels les managers – sachent et puissent œuvrer pour que la collaboration, la force du collectif, confère à chacun un pouvoir d’initiative, une capacité d’action et de développement de ses potentiels. Ce pouvoir « individuel » est fondé sur le triptyque confiance – autonomie – responsabilité ».

C’est pourquoi Martin Richer propose de retenir la notion d’intelligence collective. S’agissant d’un concept un peu émergent et très dévoyé, il n’est pas inutile de commencer par une tentative de définition de cette réalité parfois insaisissable qu’est l’intelligence collective. D’après Wikipedia, « l’intelligence collective désigne les capacités cognitives d’une communauté résultant des interactions multiples entre ses membres (ou agents) ». Cette définition n’est pas satisfaisante car elle pourrait tout autant s’appliquer à la connaissance, voire à la compétence, même si elle marque bien le fait (déterminant) selon lequel « en utilisant et en favorisant les interactions au sein du groupe, l’intelligence collective prend le dessus ».

Comme l’écrit le sociologue et philosophe Pierre Lévy, auteur de « L’Intelligence collective ; pour une anthropologie du cyberespace », l’intelligence collective est « une intelligence partout distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation effective des compétences ». Elle est la « capacité à maximiser la liberté créatrice et l’efficacité collective ». Beaucoup plus pertinente, cette définition présente le double inconvénient de ne pas mettre l’accent sur les dimensions réflexive et coopérative pourtant essentielles et de ne pas s’ancrer dans le travail.

Martin Richer propose la définition suivante : l’intelligence collective est une ressource stratégique d’une communauté de personnes (ou d’une organisation comme une entreprise) consistant à faire levier sur les interactions entre ses membres au travail pour collaborer dans la recherche d’un résultat commun, mettre en réflexion l’organisation sur son propre fonctionnement, optimiser les processus d’apprentissage permanent, articuler les processus de créativité et d’innovation dans un monde complexe.

Dans l’entreprise comme dans la société, il faut donc dépasser les limites des processus concertatifs traditionnels. Dans la société, ces derniers ont pris des formes multiples: états généraux, « Grenelles », concertations publiques avec ou sans garant, débats publics, consultations en ligne, forums citoyens, enquêtes d’utilité publique, démocratie participative… Le Grand débat national est sans doute la première tentative de mise en œuvre à grande échelle, celle d’une Nation, de l’intelligence collective.

L’entreprise est aujourd’hui la dernière roue du carrosse de l’intelligence collective

Ce Grand débat a été organisé en réponse à la crise sociale – qui est en fait une crise du travail – exprimée par l’irruption des Gilets jaunes. Alors que ces derniers se sont opposés dès l’origine à une approche trop verticale du pouvoir et à tous les symboles de notre système politique, les aspirations sont recueillies dans des « cahiers de doléance », réceptacles qui étaient concédés par le pouvoir monarchique absolutiste et la plupart des débats ont lieu dans les mairies et les préfectures. Un lieu reste étrangement absent : l’entreprise.

Mais comment croire que l’entreprise pourrait rester à l’écart de la poussée de la parole publique dont nos concitoyens s’emparent avec le succès du Grand débat national qui, à aujourd’hui, semble se confirmer ? L’entreprise elle aussi, doit accueillir positivement cette poussée, l’organiser et l’entremêler avec son fonctionnement usuel, plutôt que de l’ignorer, ce qui reviendrait à la laisser à la merci de l’informel (rumeurs, conflits larvés, souffrance au travail qui couve sous la cendre sans débouché d’expression).

La France est un pays dont les structures productives sont encore enserrées dans un « taylorisme qui ne passe pas », dans un mode de relation très hiérarchique, qui ne valorise pas la prise d’initiative et l’autonomie. En va-t-il différemment de l’intelligence collective ?

Le baromètre de l’intelligence collective montre à quel point l’entreprise est perçue comme étant en retard par rapport au reste de la société : seuls 21% des français déclarent que c’est dans les entreprises que l’intelligence collective fonctionne de la manière la plus efficace, contre 45% qui citent le milieu associatif, 39% les communautés d’intérêt (clubs, groupes de passionnés), 34% le monde de la recherche, 28% les villes et les quartiers et même 23% les écoles et universités.

L’entreprise, qui ferme la marche dans ce classement (avec cependant le monde du sport) aura donc fort à faire pour combler son « déficit démocratique ». Le manque d’écoute dans l’entreprise (« en comparaison avec ce que les pouvoirs publics permettent aux citoyens, les entreprises sont en retard dans l’écoute des opinions de leurs salariés ») est identifié par 51% des salariés et même 40% des chefs d’entreprise.

Alors que les uns comme les autres reconnaissent l’intérêt de l’intelligence collective, le passage à l’acte est problématique et se matérialise dans d’importants écarts de perception : si 71% des chefs d’entreprise se disent satisfaits de l’attention portée à l’opinion des salariés dans leur entreprise, seuls 25% des salariés partagent cet avis. De plus, cette attention n’est pas uniformément distribuée : ce dernier pourcentage s’étage de 35% chez les cadres à 19% seulement chez les employés et ouvriers.

Les regards divergent aussi sur la mise en place des processus : 62% des dirigeants déclarent qu’ils ont déjà consulté l’ensemble des salariés de leur entreprise ou un très grand nombre d’entre eux, mais seuls 42% des salariés indiquent qu’une telle consultation a effectivement été mise en place dans leur entreprise. Enfin, 76% des chefs d’entreprise contre 39% des salariés seulement pensent que le climat managérial interne de leur entreprise est favorable à la mise en place d’actions d’intelligence collective.

Lorsque ces consultations ont lieu, comment se déroulent-elles ? 70% des chefs d’entreprise ont consulté en présentiel, 50% via des outils digitaux… Mais ils sont 94% à avoir utilisé pour ce faire des questionnaires, outils fermés et non-conversationnels. Viennent ensuite les boîtes à idées (55%), les processus de vote sur un sujet d’entreprise (52%), les réseaux sociaux d’entreprise (49%) mais beaucoup plus marginalement des plateformes de co-construction d’idées (24%). La richesse de l’échange n’est donc pas toujours au rendez-vous.

La France et ses entreprises sont confrontées à un paradoxe. La promotion de la modernité y est partout, dans les livres, les colloques et les injonctions des dirigeants, qui promettent un management plus respectueux des individualités, de la créativité, de la capacité d’initiative, de l’implication des collaborateurs. Pourtant, au vu des études internationales, toutes les innovations managériales qui vont dans ce sens y sont très en retard. Tous ces éléments font système au sein de l’entreprise et engendrent des frustrations, des replis et une attitude critique vis-à-vis des élites et des dirigeants.

La démocratie participative est aujourd’hui davantage une injonction qu’une pratique installée.Pour autant, la pulsion délibérative n’est pas plus vigoureuse dans la sphère publique. Dans la vie politique, les Gilets jaunes sont venus confirmer ce que l’on pouvait déduire de l’augmentation sans cesse plus importante de l’abstention. Dans le rapport de Terra Nova mentionné ci-dessus (« Délibérer en politique, participer au travail : répondre à la crise démocratique »), il est passé en revue le bilan de trente ans de démocratie participative et montré que la France est l’un des pays dans lesquels les obligations de concertation et consultation du public sont les plus extensives et formalisées. Mais en s’appuyant sur de nombreux exemples très différents (concertation sur la vaccination en 2016, concertation sur la réforme des retraites à l’initiative du Haut-Commissaire à la réforme des retraites depuis 2017, consultation citoyenne sur l’Europe en 2018,…), il est montré aussi que ces obligations ne se traduisent que rarement par des changements réels et tangibles des décisions élaborées. La démocratie participative est aujourd’hui davantage une injonction qu’une pratique installée. Toute ressemblance avec le dialogue social à la française, pratiqué dans nos entreprises avec un haut degré de formalisme et un modeste degré de caractère performatif ne serait pas fortuite.

Les bénéfices de l’intelligence collective pour l’entreprise sont pourtant bien connus

Selon le sociologue Pierre Veltz, « au niveau d’un site productif, la performance repose moins sur la qualité et le coût des diverses ressources que sur l’intelligence de leur combinaison, autrement dit l’efficacité de l’organisation et du tissu relationnel ». Dans « Les 7 clefs de l’intelligence collective », Barbara Dalibard, à l’époque directrice générale de SNCF Voyages explique : « l’intelligence collective, c’est trouver la meilleure solution, ensemble, c’est-à-dire savoir tirer en permanence partie des ressources où qu’elles soient dans l’entreprise. Cela implique, pour le dirigeant, de savoir sortir d’une autorité prescriptive et de passer à une autorité de compétences et d’influence, plus riche et plus ouverte ».

De ce fait, il existe un certain consensus entre chefs d’entreprises et salariés sur l’importance de la consultation et participation : selon le Baromètre de l’intelligence collective, 90% des salariés (et 77% des chefs d’entreprise) estiment même que “les salariés doivent être associés à la construction de la stratégie de l’entreprise”. La sensibilité managériale sur le sujet est forte.

Le Baromètre montre que l’intelligence collective dispose d’un potentiel significatif. Malgré la relative pauvreté des processus de dialogue mis en place, elle n’a pas la réputation d’être un paravent ou une méthode employée par les dirigeants pour donner l’impression de prendre en compte les souhaits des salariés sans rien changer dans les fonctionnements réels. De fait, 67% des salariés ont une bonne opinion de l’intelligence collective (dont 79% chez les moins de 30 ans et 74% chez les cadres).

Il existe aussi un fort consensus, chez les dirigeants comme chez les salariés, sur la pertinence de l’intelligence collective pour traiter des thématiques absolument cruciales pour le bien être des salariés et la compétitivité des entreprises. A la question « sur quels sujets les démarches d’intelligence collective vous semblent-elles pertinentes ?», la culture de l’entreprise arrive en première place (chefs d’entreprise : 80%, salariés : 72%), suivie par l’organisation de l’entreprise (chefs d’entreprise : 72%, salariés : 70%). Bien que complexe, la stratégie de l’entreprise ressort comme objet de concertation pour la grande majorité des chefs d’entreprise (68%) et des salariés (63%). La dimension d’innovation n’est pas oubliée puisque l’identification de nouveaux produits ou de nouveaux services est aussi mise en avant par 69 % des chefs d’entreprise et 71 %, des salariés.

Les facteurs clés de succès d’une démarche d’intelligence collective ne sont pas hors de portée

Les principaux facteurs de réussite et d’échec identifiés pour mener à bien une démarche d’intelligence collective en entreprise peuvent avec profit s’inspirer des solutions apportées par les processus de concertation publique comme le Grand débat national. Communiquer, engager et susciter la confiance à l’égard de la démarche sont les trois facteurs clés de succès pour les chefs d’entreprise comme pour les salariés, selon le Baromètre de l’intelligence collective. Les salariés sont plus attentifs que leurs dirigeants vis-à-vis de trois facteurs qui nous semblent effectivement déterminants : le suivi de la consultation (cité par 47% des salariés contre 37% des dirigeants), l’établissement d’une charte transparente de fonctionnement de la démarche (42% contre 25%) et la formalisation des enjeux collectifs précis (40% contre 29%). On constate ici l’importance du respect et de l’empowerment (pouvoir d’agir) des communautés ou parties constituantes consultées.

En cohérence, les deux tiers des chefs d’entreprise et des salariés sont soucieux du risque de déception lié à l’émergence d’attentes non satisfaites, identifié comme le risque principal pour une démarche d’intelligence collective (toujours selon le Baromètre de l’intelligence collective). Deux autres facteurs d’échec sont mis en avant par les salariés : ne pas mobiliser suffisamment les salariés (cité par 62% d’entre eux contre 46% des dirigeants) et ne pas réussir à créer suffisamment de confiance (60% contre 35%). D’autres risques souvent envisagés comme la perte de contrôle sur les échanges qui deviendraient imprévisibles ou la construction de conclusions trop consensuelles sont jugés plus minoritaires, par les salariés comme par les dirigeants.

Face à ces facteurs clés de succès fondés sur la confiance et le respect, les obstacles ne sont pas minces et appellent l’ouverture de quatre champs de progrès.

Premièrement, la bataille de l’intelligence collective passe par un travail de fond sur la culture managériale. Une culture de l’autorité fondée sur la hiérarchie et la verticalité est trop souvent préférée à une autorité fondée sur la compétence, la confiance, la coopération et finalement l’adhésion. Le jacobinisme, même amendé, irrigue la vie politique pendant que le paternalisme autoritaire et les organisations bureaucratiques imprègnent l’entreprise.

Deuxièmement, le manque d’authenticité des démarches de concertation est aussi au cœur de la défiance : le Baromètre de la concertation et de la décision publique réalisé début 2017 par Harris Interactive pour Res publica et l’Institut de la concertation et de la participation citoyenne montrait que 9 personnes interrogées sur 10 considèrent que la concertation est une bonne chose, mais que 7 sur 10 pensent qu’elle consiste à « augmenter l’adhésion des citoyens aux décisions déjà prises » ou à « faire croire qu’on écoute les citoyens tout en décidant sans eux ». Ce scepticisme trouve un pendant presque parfait dans le monde de l’entreprise, là où une partie conséquente des salariés estiment que le management participatif n’est qu’un paravent et que le dialogue social est la théâtralisation des postures des élus comme de la direction, cette dernière poursuivant réformes, changements et transformations comme si de rien n’était. Il faut donc envoyer des preuves concrètes et pratiquer l’exemplarité : les dirigeants doivent s’impliquer personnellement.

Troisièmement, les besoins en formation sont souvent sous-estimés. Comme le dénote le terme américain d’empowerment, l’intelligence collective ne peut s’épanouir sans un accompagnement des acteurs en termes d’apprentissage. La prise d’initiative est une démarche consciente qui comporte des risques perçus, que chacun doit être en mesure d’apprécier et de surmonter, grâce à un climat de travail propice et aux compétences acquises.

Enfin, pour garantir le succès d’une démarche d’intelligence collective en entreprise et compte tenu de l’importance des enjeux qu’elle adresse, celle-ci doit être outillée ; elle constitue une véritable « ingénierie de l’expression au travail ».

L’intelligence collective est aussi un outil de RSE

Dans l’entreprise, l’intelligence collective peut reprendre les bonnes pratiques de la RSE en matière de professionnalisation du dialogue avec les parties prenantes, de création d’écosystèmes autours d’enjeux communs. Elle peut aussi reprendre les bonnes pratiques de la concertation publique car les deux approches (privée et publique) se sont développées dans l’ignorance réciproque si bien qu’elles ont beaucoup à apprendre l’une de l’autre. Ainsi par exemple on voit l’usage du référendum se développer en entreprise (depuis les lois Travail d’août 2016 et les ordonnances Travail de septembre 2017) mais malheureusement sans le formalisme qui permettrait de le rendre plus juste et efficace : organisation de la loyauté des débats, informations complètes données aux votants avec respect du contradictoire, etc.

De même, le modèle de la conférence de consensus, développé dans le public, est presque inconnu dans l’entreprise.

Il ne s’agit pas de transformer l’entreprise en espace de démocratie, ce qu’elle n’a pas lieu d’être. En revanche, la RSE comme l’intelligence collective et les processus de management délibératif sont des outils pour tendre vers une démocratisation du travail, c’est-à-dire des procédures de prise en compte des aspirations de chacun, d’échange contradictoires, de règlement pacifié des désaccords et de construction d’un avenir commun.

C’est la raison pour laquelle l’une des propositions phare formulée dans le rapport Terra Nova consiste à s’appuyer sur les dispositions de la loi PACTE concernant la Raison d’être des entreprises afin que les politiques de formalisation et de déploiement de cette raison d’être ne se limitent pas à un échange entre les organes de gouvernance et les instances de directions mais au contraire, se traduisent par un débat participatif associant les salariés au sein de chaque entreprise.

Au-delà du « management participatif », qui a fait florès dans les années 1980, l’intelligence collective se caractérise notamment par la capacité du management intermédiaire (ou management « de proximité ») à interpeller et inclure les parties constituantes de l’entreprise, c’est-à-dire les personnes ou les organisations qui, au-delà de simples « parties prenantes », sont insérées dans le processus de création de valeur de l’entreprise, au premier titre, les salariés qui y travaillent. Leur avis doit être pris en considération pour partager les enjeux et les objectifs, parvenir à des coopérations et co-créer des solutions nouvelles. La fameuse « Génération Y » est particulièrement attentive à ces attitudes managériales.

Alors que la France est plutôt en retard sur les pratiques d’association des salariés à la définition de la stratégie et à la marche de l’entreprise, certaines organisations ont prouvé qu’il n’y a là rien d’inéluctable. Ainsi Danone, qui s’illustre depuis Antoine Riboud par son « double projet » alliant succès économique et progrès social, a mis en place un modèle inédit de gouvernance et d’engagement des salariés. En 2018, ses 100.000 collaborateurs ont été invités à exprimer leur point de vue sur la stratégie de l’entreprise au niveau local et global, et sur les priorités pour mettre en œuvre les objectifs Danone 2030. Cette consultation mondiale, destinée à devenir un rendez-vous régulier, s’appuie sur une plateforme numérique permettant de traiter les suggestions et les idées remontées. De même, le groupe familial Auchan (avec notamment Decathlon et Leroy Merlin) associe étroitement les salariés depuis les années 1990 à la définition de la stratégie et de l’évolution des métiers. Chez Leroy Merlin, cette approche est intégrée dans une démarche intitulée « Vision ». En 2018, chacun des 22.000 collaborateurs a rencontré au moins une partie prenante – un client, un fournisseur, un architecte, … — pour échanger sur les enjeux et des débats ont été organisés dans chacun des 138 magasins.

Des organisations moins importantes et moins renommées prouvent également que ces démarches d’association du corps social se prêtent au contexte des PME ou des ETI. Par exemple, le constructeur- carrossier Gruau définit collectivement son projet d’entité et le décline avec les salariés depuis plus d’un siècle (6e projet d’entreprise !), en cinq contributions : entreprise, clients, collaborateurs, partenaires, société.

Les processus d’intelligence collective ne se limitent pas aux frontières organisationnelles de l’entreprise mais se tournent vers son environnement, ses parties prenantes externes. Selon le Baromètre de l’intelligence collective, les publics les plus intéressants à consulter selon les chefs d’entreprise sont leurs clients (71%), les pouvoirs publics (27%), le grand public (26%), leurs fournisseurs (25%), leurs concurrents (23%) et les investisseurs (17%). Un premier pas vers la construction d’un dialogue structuré avec ses parties prenantes…

Le dialogue avec les parties prenantes, tel qu’il est pratiqué en entreprise, se situe à des niveaux de maturité très inégaux. Il commence en général par une simple démarche d’information des parties prenantes les plus cruciales pour l’entreprise. Cette démarche peut ensuite évoluer vers un échange plus régulier et plus riche, puis vers une démarche de co-construction : l’entreprise est capable de prendre des engagements concrets face à ses parties prenantes et d’assurer le suivi de ces engagements avec elles. La relation initialement bilatérale peut aussi évoluer vers le multilatéral : on constitue alors ce qui est habituellement dénommé « panel » de parties prenantes ou « comité » de parties prenantes, qui permet un partage plus riche des enjeux et des collaborations. Cette orientation multilatérale est souvent source d’innovation grâce à la diversité des intérêts représentés et des possibilités de déterminer des partenariats complémentaires.

Comme l’écrit Bertrand Desmier, « le dialogue avec les parties prenantes va bien au-delà du seul acte de communication ; c’est un formidable catalyseur d’opportunités pour les entreprises qui prennent le temps d’être à l’écoute de leur écosystème ». Comme le disait Edward Bulwer-Lytton (homme politique et romancier britannique), « le dialogue véritable consiste à s’appuyer sur l’idée de son interlocuteur, non à la démolir »… ce qui matérialise le passage du dialogue à l’intelligence collective. En voici un exemple concret, qui concerne le Comité de parties prenantes d’un grand cimentier et met en scène Philippe Lévêque, directeur général de Care, une importante ONG de développement qui agit dans une soixantaine de pays : « Lors d’une réunion d’un panel [de parties prenantes], les techniciens exposaient les vertus d’un béton auto-nettoyant mais Philippe Lévêque leur a expliqué qu’un béton qui repousserait les moustiques serait un véritable apport dans la lutte contre le paludisme et les chercheurs y réfléchissent ».

Aujourd’hui, comme le montre l’étude réalisée par Des Enjeux et Des Hommes et l’ORSE, on estime que 28% des entreprises du CAC 40 ont un comité de parties prenantes externes. Le quotidien Le Monde a publié le 20 février 2018 une tribune signée par un collectif de 25 professeurs de management appelant le président du Medef à faire évoluer le code de gouvernance Afep-Medef « afin de mieux responsabiliser les grandes entreprises sur les conséquences de leurs activités sur l’environnement et les parties prenantes qui supportent des risques ou des externalités« .

D’un simple dialogue avec les parties prenantes, la mise en œuvre de l’intelligence collective permet de progresser pas à pas vers une discipline plus formalisée, que les anglo-saxons appellent le « stakeholder relationship management ».

Les outils technologiques utilisés reflètent la verticalité du pouvoir dans les entreprises françaises

L’analyse des outils utilisés confirme la difficulté française à donner une vraie place au dialogue en entreprise. Les outils technologiques d’information (courriers électroniques, intranets,…) se coulent parfaitement dans les structures hiérarchiques héritées du taylorisme mais ils privilégient la transaction et restent un outil de transmission d’information selon un mode vertical.

Ce sont les réseaux sociaux d’entreprise qui permettent de faire un pas décisif et font entrer cette verticalité en turbulence : on passe à une approche de communication (et non d’information) de nature relationnelle (et non transactionnelle) et selon un mode transversal. On sollicite l’intelligence collective en privilégiant l’échange et l’interactivité.

Ce n’est donc pas une surprise de constater, comme le montre l’étude IPSOS sur la perception et l’usage des réseaux sociaux d’entreprise par les salariés, que la diffusion de ces outils accuse en France un profond retard par rapport aux autres pays européens. Les salariés français sont seulement 5 % à évoluer dans des structures ayant mis en place un réseau social d’entreprise, contre 18 % des salariés en Allemagne, 12 % en Suède ou encore 11 % en Espagne.

Cette même étude montre que la frilosité des entreprises est identifiée par les collaborateurs qui y travaillent : quelque 64 % de salariés français, une proportion record (par rapport à tous les autres pays étudiés), estiment que leur entreprise n’est pas prête à se lancer sur ce terrain par peur d’assister à la dégradation de la productivité des collaborateurs. Derrière cette inquiétude apparaissent les éléments constitutifs de « l’exception managériale française » : défaut de transversalité, manque de valorisation du travail collaboratif, besoin de contrôler l’activité de la main d’œuvre (qui explique aussi le fort retard du télétravail en France), manque de confiance, crainte de faire chanceler les structures hiérarchiques.

Ici aussi, le monde du travail ne diffère pas de la société qui l’englobe. Les usages des citoyens (et non seulement des salariés) vis-à-vis des outils non professionnels présentent le même retard. Une étude Eurostat sur des données de l’année 2016 montre que c’est en France que l’on trouve le pourcentage des citoyens de 16 à 74 ans ayant utilisé les réseaux sociaux (Facebook, Linkedin, Twitter, etc.) parmi ceux ayant utilisé internet dans les trois derniers mois le plus bas. La France est le dernier pays de l’Union Européenne avec 49% des femmes et 44% des hommes contre respectivement 65% et 61% en moyenne pour l’UE.

Les fortes aspirations à l’expression de la part des citoyens et des travailleurs, qui ne trouvent pas toujours un contexte favorable, sont amplifiées par la technologie: internet et les réseaux sociaux brisent la verticalité et les monopoles de l’information et cela aussi bien dans la société que dans l’entreprise. Ce qu’il est convenu d’appeler le Web 2.0 (pour souligner ses vertus collaboratives) fait monter les attentes en termes d’interactivité et de dialogue. Mais face à ces attentes, internet et les réseaux sociaux présentent aussi des aspects délétères : émulsion des passions, enfermement dans des bulles de convictions renforcées, exacerbation des clivages et de la radicalité, multiplication de l’infox… Et surtout, ils n’offrent pas un environnement propice à la recherche et à la construction de solutions ou de consensus même partiels.

Cette exception managériale française va jusqu’à distordre la destination des outils. Un rapport produit par la chaire intelligence RH et RSE de l’IGS, avec le cabinet BDO, coordonné par Jean Pralong, professeur de gestion en Ressources humaines à l’IGS-RH, montre qu’en France, les réseaux sociaux d’entreprise renforcent le cloisonnement entre les services, les fameux « silos » qui sont devenus de puissants obstacles à l’innovation. « Au final, la machine à café reste bien plus efficace pour échanger de manière libre et informelle entre salariés dans une grande entreprise« , conclut-il. Plongé dans une culture d’entreprise réfractaire à l’échange, le réseau social d’entreprise ne fait qu’épouser ses travers.

Loic Blondiaux, directeur de publication de la revue Participations, pointe l’impact de deux phénomènes dans les processus de concertation publique :

  • la montée en puissance des acteurs économiques transnationaux ou des GAFA, les géants du numérique et de l’Internet, dont l’impact sur les débats publics, les opinions et les modes de vie est considérable ;
  • l’élévation du niveau d’éducation de la population et la diversification des sources d’information, qui ont accru les capacités de critique envers les gouvernants.

« Les institutions et les gouvernements des démocraties représentatives sont donc doublement remis en cause, par le haut, avec l’affirmation d’acteurs économiques qui outrepassent les règles démocratiques et à qui les gouvernements ne peuvent imposer leur volonté, et par le bas, avec des citoyens qui n’acceptent plus de déléguer leur pouvoir et leur parole sans avoir la possibilité de s’exprimer ».

Le même phénomène est à l’œuvre dans l’entreprise, avec par le haut des salariés qui se jouent des règles de préséance, court-circuitent la hiérarchie et menacent le monopole de l’information et de la permission détenu par les managers et par le bas avec des collaborateurs bien formés, avides d’autonomie et de liberté d’expression.

Conclusion

Les processus de dialogue et de concertation ont du mal à s’exprimer aussi bien dans la sphère publique que dans le monde de l’entreprise. C’est pourtant un enjeu essentiel pour progresser vers une démocratisation du travail, levier de différenciation compétitive et de qualité de vie, au travail comme dans la société. C’est aussi un moyen de donner chair au concept d’Entreprise contributive, une entreprise respectueuse de ses ressources (humaines, naturelles, financières,…), qui sollicite la contribution de chacun des collaborateurs, sa touche personnelle, son apport au collectif de travail, à l’entreprise, au monde.

Dans un environnement volatile et incertain, le défi pour les organisations est de passer d’un système de prescription du travail (celui qui a besoin de l’« engagement » pour s’imposer) à un système d’implication (celui qui sollicite l’intelligence collective) ; c’est-à-dire du travail comme contrainte au travail comme ressource. Cette transition nécessite une ingénierie du travail : co-construction du sens du travail (formulation participative et déploiement de la Raison d’être), utilisation accompagnée des technologies pour favoriser les échanges, animation d’espaces de discussion sur le travail, soutien managérial, régulation sociale enrichie.

Il faut donc lever les obstacles et s’atteler à montrer concrètement les bénéfices de ces démarches de management délibératif en travaillant sur tous les leviers de dialogue et d’implication, qui se renforcent mutuellement : dialogue social, dialogue professionnel, innovation participative, intelligence collective. L’enjeu est de développer des organisations du travail intenses en potentiel humain, post-tayloriennes ou, si l’on préfère, adaptées à la société de la connaissance…

C’est ainsi que les entreprises peuvent apporter leur pierre à la résolution de la crise démocratique.

Source : management-rse.com

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