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Depuis quinze ans, le digital transforme en profondeur les entreprises jusqu’à les bousculer et, parfois, les mettre en péril. Structures transversales, obsolescence des modèles économiques, nouveaux statuts des travailleurs… Le point sur les tendances qui vont changer demain l’organisation des grands groupes, des PME et des ETI.

Basé à Ludres, dans la banlieue de Nancy, Noremat est un constructeur de matériels d’entretien des accotements routiers. Son business model, initialement basé sur la vente, a radicalement changé après que ses dirigeants ont décidé de connecter l’ensemble de ses débroussailleuses, broyeurs, faucheuses et autres déchiqueteuses. L’analyse des données d’usage recueillies par les machines a dévoilé une utilisation très ponctuelle pour un investissement important du client au départ. Fort de ce constat, le fabricant lorrain a lancé une offre de location par mètres carrés d’accotements tondus. Les engins restent donc la propriété de Noremat qui s’occupe de l’entretien et de la mise à niveau du matériel, tout en leur offrant une deuxième vie sur le marché de l’occasion.

Avec la création de Michelin Solutions, Bibendum a fait le même pari il y a quelques années. En préférant vendre des kilomètres parcourus plutôt que des pneus, le groupe auvergnat s’est ainsi transformé en entreprise de services. Avec l’offre Effifuel, elle s’engage même sur des économies de carburant sur trois à cinq ans. Complexe, ce contrat suppose tout un écosystème de spécialistes associant la télématique (Atos), la gestion des automatismes des contrats (Accenture) et la facturation.

Le digital comme pierre angulaire

Aucune de ces transformations n’aurait été possible sans le numérique. Mais, pour Alban Guyot, le directeur général du congrès Entreprise du futur, l’avenir de l’entreprise ne doit pas seulement s’envisager comme un empilement de solutions digitales, mais bien comme « une fusion de l’humain et du digital. La blockchain, le cloud, l’intelligence artificielle sont des opportunités qui ne doivent pas être regardées comme une fin en soi. L’entreprise du futur, c’est la symbiose entre ces technologies et la composante humaine ». Un processus long mais indispensable pour la survie des entreprises, notamment des PME et ETI.

La tendance au travail collectif

Parmi les principaux enjeux à relever par les entreprises d’ici à 2030, Alban Guyot pointe ceux des nouvelles technologies, des modèles économiques, de l’internationalisation, de l’excellence opérationnelle, de l’implémentation dans la ville intelligente, et surtout, de l’humain.

En 2016, lors de son passage à Lyon pour le congrès Entreprise du futur, le prospectiviste Joël de Rosnay prédisait même :

« En 2030, les chefs d’entreprise qui disent encore « mon » entreprise auront disparu. Seuls survivront ceux qui disent : « notre » entreprise. »

Car la désintermédiation que permet le digital, engage une transformation en profondeur de l’entreprise au profit d’une organisation moins hiérarchique où se côtoient divers statuts – salariés, intérimaires, autoentrepreneurs, services externalisés – qui travaillent tous autour d’un même projet. On parle alors d’écosystèmes ou de réseaux, même si Armand Hatchuel, professeur en sciences de gestion à Mines ParisTech, préfère l’expression de « métabolisme organisationnel » : l’entreprise quitte le paradigme de la décision rationnelle et venue d’en haut pour se diriger vers la « création collective » et transversale.

Ces modes d’organisation, relativement instables, propices aux remises en cause et aux changements, appellent, selon le sociologue Serge Guérin, professeur à l’Inseec Business School, à une réévaluation de la place de la ressource humaine dans les entreprises :

« Malgré la diversité des statuts qui s’accumulent, parfois avec une structure hiérarchique atomisée, il faut pouvoir créer un collectif. Comment trouve-t-on une base commune pour avancer sur un projet ? C’est pour répondre à cette question que le problème du sens est inhérent à celui de l’entreprise du futur. »

Devenir avant tout responsable

Jean-Dominique Senard, président du groupe Michelin, dit la même chose quand il indiquait en juin dernier, lors d’une intervention dans La Tribune, vouloir « replacer l’entreprise au coeur de la vie politique et sociale. À l’heure où l’on parle de l’alignement des intérêts, ceux des actionnaires, ceux des salariés, ceux des autres stakeholders – alignement entre eux, et aussi alignement avec le respect des règles de responsabilité sociale et environnementale -, il me semble que faire partager à tous une même espérance, une même raison d’être, constitue, pour l’entrepreneur, la meilleure (et peut-être même la seule) manière de faire réussir son projet ».

Ce que confirme Armand Hatchuel : « Avec la mondialisation, il est impossible d’être humaniste dans un pays et esclavagiste dans un autre. L’entreprise doit nécessairement travailler à une équité des parties prenantes. »

Il est désormais acquis dans les mentalités que l’entreprise a une responsabilité dans la société dont elle fait pleinement partie. Le progrès ne peut plus se concevoir comme seulement scientifique, mais également comme social et environnemental.

Des avancées bientôt dans la loi

Les transformations, déjà dans la loi, sont d’ailleurs à l’oeuvre. L’article 61 de la loi Pacte, inspiré des travaux d’Armand Hatchuel et Blanche Segrestin, professeur à Mines ParisTech, redéfinit la société et la responsabilité des entreprises. Le texte stipule que la « société doit être gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».

Les entreprises seront aussi autorisées à se doter d’une « raison d’être » qui exprime, en dehors du but lucratif, leurs finalités propres. Le texte introduit également la notion de « société à mission » qui s’engage de manière durable sur des objectifs de nature sociale et environnementale.

Elle devra inscrire sa raison d’être dans ses statuts, préciser les missions qui en découlent pour sa gestion, et se doter d’un organe chargé de veiller à leur mise en oeuvre. Rien de contraignant pour le moment, mais déjà une avancée par rapport au texte qui prévoyait que la société devait être « gérée dans l’intérêt commun des associés ». L’entreprise du futur sera responsable… ou ne sera pas.

Source : Acteurs de l'économie

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