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Libérer le travail de toutes les équipes en supprimant le rôle de chef, c’est le principe de l’holacratie ou management constitutionnel. Bernard Marie Chiquet (iGi), nous explique, au travers de son expérience, comment y parvenir.

Il y a quelques semaines, j’assistais à un « meetup » – une conférence – regroupant de nombreux praticiens et patrons ayant fait le choix de réfléchir et de réinventer leurs organisations. Tous s’interrogeaient sur la nécessité d’avoir des chefs au sein de celles-ci. Alors, chef ou pas chef pour cette entreprise d’un nouveau genre que tous appellent de leurs voeux ?

Tandis que les tenants de la sociocratie mettaient l’emphase sur la nécessité d’avoir des chefs dans une organisation – « parce que les gens ont besoin de chefs » – un coach en holacratie, également dans la salle, réagissait vivement en insistant sur le fait « qu’en holacratie, aussi, il y a des chefs ». Dis comme cela, le risque est fort selon moi de créer une profonde incompréhension de ce qu’est et de ce que prône l’holacratie. Si le chef est celui qui est au commande, dirige les personnes et donne les ordres, le tout légitimé par un ascendant hiérarchique affiché, alors non il n’y a pas de chef en holacratie et, plus largement, dans une organisation bâtie sur un management constitutionnel.

L’holacratie rompt avec le modèle hiérarchique conventionnel, fondé sur la domination de quelques-uns – les chefs – sur tous les autres. Elle prône une gouvernance, une autorité distribuée, l’émergence d’une organisation caractérisée par des relations de pair à pair. Tout sauf une nouvelle utopie, elle offre un cadre et des outils pour une organisation plus efficace et pérenne, où chacun est en mesure d’exprimer ses talents au service de la raison d’être qui anime l’entreprise.

Fini le rapport hiérarchique et le lien de subordination qui caractérisent les relations entre les personnes. Les équipes sont à même d’exprimer leur leadership et sont accompagnées par des managers d’un nouveau genre : plus d’ordre mais une autorité émanant d’une expertise et légitimée par un corpus de règles explicites, la constitution.

Mais se passer de chefs ne se décrète pas. Cela implique même une réflexion, l’émergence d’une vision pour votre organisation. Cela passe aussi, invariablement, par un certain nombre d’étapes préalables.

Une règle d’or : l’équivalence

Incontestablement, la notion d’équivalence sert de catalyseur aux échanges entre les hommes, dans les entreprises bien sûr mais aussi à l’échelle, par exemple, d’une relation mère-fille. Ainsi, il y a de longues années, recommandé par une connaissance commune, une mère de famille faisait appel à moi pour rétablir la communication avec sa fille âgée de 9 ans.

Alors que j’interrogeais cette dernière sur leurs difficultés à échanger, la petite fille m’expliquait ses difficultés à capter l’attention de sa mère. Chaque fois la même réponse lorsqu’elle tentait d’initier un dialogue : « Plus tard, je n’ai pas le temps ». Quelle que soit la situation, la mère décidait du moment et donc du sujet. Son ascendant bloquait toute forme de communication fluide et constructive.

En conseillant à la fillette de dire simplement « je te propose de passer un moment ensemble, as-tu une objection ? » plutôt que « maman, serais-tu d’accord pour passer un moment ensemble ? », la situation s’est vu drastiquement changée. D’emblée, une relation d’équivalence s’est installée. Les échanges entre la mère et sa fille ont été facilitées, fluidifiées. Le dialogue rétabli et constructif.

Pour l’entreprise aussi, le principe d’équivalence est celui sur lequel doit se fonder toute organisation qui cherche à se réinventer et à bâtir un système efficient et débarrassé de tout rapport de domination en son sein. Mais, si l’équivalence est une réalité « naturelle » – tous ont la même valeur au regard de la vie – elle n’est pas simple à faire accepter et à transcrire à l’intérieur de l’entreprise. Pourtant, l’équivalence, c’est-à-dire la suppression de toute forme de domination d’une personne sur une autre, est la base du leadership et du self-management. Ce qui ne veut cependant pas dire que tous sont égaux au sein de l’organisation. Chacun y détient des responsabilités, des « accountabilities » différentes.

C’est le cas de Marc qui, dans son entreprise, est en charge de la programmation de la ligne de production. A ce titre, il est le garant de la marge potentiellement dégagée. Lorsque je l’interroge, conscient du rôle clé dont il est investi, il me confie que, alors même que son entreprise a opté pour l’holacratie, il a parfois le sentiment que subsistent des chefs… Il pensait aux rôles de leader de cercle.

Il s’agit bien sûr d’une confusion, car en deux questions que je lui pose, il prend conscience que son rôle de programmation a davantage d’impact sur l’entreprise et sur les autres que le rôle de leader de cercle. Ici, plus de hiérarchie ni d’ordres. Pour autant, dans cette nouvelle organisation, certains rôles ont des responsabilités plus larges que les autres. Cela n’empêche que tous les collaborateurs sont invités à interagir dans une relation de pair à pair.

Pour parvenir à cette équivalence, il convient donc, à l’intérieur de la nouvelle organisation, de supprimer les ordres, de libérer chacun de la sacro-sainte autorisation qui bride, et de tout ce qui peut mettre qui que ce soit en situation d’infériorité. Surtout, il faut que chacun comprenne qu’il est temps pour lui d’annoncer la couleur.

Annoncer la couleur

Alors que chez nous, nous sommes capables de prendre les décisions seuls, nous restons souvent impuissants face aux plus petits soucis qui émergent au travail. Pour donner enfin corps à une nouvelle organisation, débarrassée de toute hiérarchie et de jeux de pouvoirs, il importe donc que chacun prenne conscience de la nécessité d’annoncer la couleur, d’exprimer et de verbaliser son autonomie et sa responsabilité. Car si tous passent le pas, la figure du chef disparaît d’elle-même.

Prenons l’exemple de cette responsable marketing d’une entreprise que j’accompagne. Elle ne parvient pas à obtenir les informations dont elle a besoin pour finaliser le catalogue produits qu’on lui demande. Elle court depuis des semaines derrière le chef produits qui chaque fois lui répond : « plus tard, là je n’ai vraiment pas le temps ». La situation dure jusqu’au jour où elle se décide à annoncer la couleur : « je t’informe que je compte lancer la production du catalogue d’ici 8 jours, avec les informations dont je dispose ». Soudain, le miracle opère.

Comme le démontre David Marquet dans son ouvrage Turn the ship around, lorsque chacun comprend l’importance d’annoncer son intention, c’est un pas de géant vers le leadership.

Rendre explicite tout interdit

Faire en sorte d’expliciter tout ce qui est interdit dans une organisation, c’est se rapprocher encore d’un système débarrassé des jeux de pouvoirs et des liens de subordination qui caractérisent l’organisation conventionnelle. Pour ce faire, l’holacratie, par exemple, s’appuie sur une constitution qui offre le cadre et le corpus de règles explicites nécessaires.

Elle propose d’inverser la logique en donnant vie à une organisation et une gouvernance où toute attente est, par définition, explicite. Désormais, tout ce qui n’est pas clairement interdit est, par défaut, autorisé. En s’appuyant sur une constitution de type holacratie, l’organisation s’offre les clés et le cadre nécessaires pour cheminer vers le management constitutionnel.

Définir les rôles qui animent l’organisation

Reste désormais à définir les rôles qui caractérisent la nouvelle organisation. Non plus un modèle hiérarchique – avec un chef qui confie des missions, donne ses ordres – mais sur le modèle d’une organisation constitutionnelle, qui fonctionne de pair à pair. Ici, chacun donne à l’autre du travail, en fonction de ses compétences et de ses talents, sur un modèle de relation client-fournisseur. Avec l’holacratie, tous sont concomitamment clients et fournisseurs.

Dans ces conditions, plus besoin de chef. Chacun connaît ses redevabilités vis-à-vis de ses pairs. Chacun dispose de l’autorité nécessaire pour décider et faire. Chacun est responsable et autonome. Dès lors, chacun peut avancer avec une efficacité, une transparence et une rapidité inédites. C’est ce que j’appelle « l’effet Ferrari ». Tous peuvent avancer à pleine vitesse car rien n’est interdit sauf ce qui l’est explicitement par des « feux rouges » . Le potentiel de chacun peut enfin se libérer.

En optant pour un management constitutionnel, les entreprises et leurs patrons font le choix de se passer de chefs, grands et petits. Fini cet ascendant hiérarchique « non équivalent » qui caractérise le modèle conventionnel. Pour autant, dans cette nouvelle organisation, tous peuvent devenir, d’une certaine façon, « chefs ». Pas « chef de qui » mais « chef de quoi ».

 Source : chefdentreprise.com

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