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Avoir des papillons dans le ventre, des hauts le cœur, la boule au ventre, la gorge serrée… Chaque jour nous ressentons de petites (ou plus grandes) émotions selon nos humeurs. Ces petites émotions du quotidien n’ont jamais aussi bien porté leur nom. Une étude de chercheurs finlandais en témoigne.

Que ressent-on physiquement lorsque l’on est amoureux, triste ou en colère ? Voilà la question que ce sont posés des chercheurs en ingénierie biomédicale de l’université d’Aalto (Finlande) qui ont établi une véritable carte corporelle des émotions. Leurs travaux, publiés fin décembre 2013 dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences américaine (PNAS), montrent comment le corps et ses différentes zones réagissent à un sentiment précis (colère, tristesse, bonheur, mépris, honte, amour…) et confirment notamment que les principales émotions humaines que sont la peur, la tristesse ou le bonheur sont ressenties physiquement de la même façon pour tous, quelle que soit la culture d’origine de l’individu. Ainsi, chaque émotion active ou désactive une ou plusieurs parties du corps.

Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont fait appel à 773 participants. Ces derniers ont été soumis à des stimuli comme photographies ou vidéos censées éveiller une émotion particulière (14 émotions ont été testées).

La méthodologie consistait à stimuler les participants en leur faisant écouter des mots, en leur montrant des images, des petits films d’une dizaine de secondes et enfin des images d’expressions faciales. L’étude a été conduite avec des sujets finnois, suédois, de divers pays européens et enfin avec des taïwanais dans le but de vérifier si les différences culturelles pouvaient éventuellement avoir une incidence sur les émotions.

La réponse émotionnelle était classé en sept catégories de base énumérées de gauche à droite en haut de l’illustration : colère, peur, dégout, bonheur (ou bien-être), tristesse, surprise et neutre, neutre signifiant que les stimuli présentés ont été choisis afin de n’entrainer aucune émotion. Les émotions dites secondaires dans cette étude étaient l’anxiété, l’amour (désir sexuel), la dépression, le contentement, la fierté, la honte (mensonge) et enfin l’envie. Pour donner un exemple de stimulus neutre : une vidéo très courte de quelqu’un assis à la table d’une cuisine avec le lave-vaisselle qui ronronne derrière lui. Un groupe d’amis allant à la plage en voiture décapotable et écoutant de la musique, le bonheur. Un enfant sur un lit d’hôpital qui peine à ouvrir les yeux quand on lui parle, la tristesse. Bref, quatorze séries de cinq mots, cinq images, cinq clips vidéo, cinq expressions faciales présentées au hasard avec un enregistrement de la réponse de chaque participant sur la silhouette anonyme schématisant le corps humain qu’il visualisait en choisissant la couleur sur la barre de droite et en déplaçant une souris d’ordinateur sur la silhouette bleu foncée. A la fin de l’acquisition des données, on demanda à chaque participant de donner une signification à chacune des silhouettes ainsi colorisées et telles qu’elles apparaissent après le traitement informatique et statistique final (voir l’illustration) et le résultat fut surprenant car d’une manière générale, c’est-à-dire statistiquement validée, les silhouettes colorisées correspondaient effectivement bien à ce que tous les sujets ayant participé à l’étude avaient ressenti.

Cette étude assez surprenante aboutit à une illustration inattendue de l’influence du système nerveux central sur l’ensemble du corps, que ce soient des effets vasodilatateurs périphériques ou des sensations internes visualisées sur la silhouette par les participants alors qu’aucune représentation des organes internes n’était présente. Les couleurs chaudes (jaunes) montrent les zones du corps activées par les émotions, tandis que les zones froides (bleues) montrent les parties du corps non actives lors d’une émotion.

Les chercheurs révèlent ainsi comment les émotions sont expérimentées ou vécues dans le corps, nos états corporels s’adaptant à nos mentaux nous permettant ainsi de faire face aux défis de notre environnement, qu’ils soient dangers ou interactions sociales. Ces états corporels induisent des sensations qui viennent nourrir nos expériences émotionnelles. Ainsi, l’anxiété pourra être vécue comme une douleur dans la poitrine, le sentiment amoureux comme une sensation de plaisir ou un nœud à l’estomac.

Les émotions primaires comme la colère, l’anxiété et la peur stimulent la poitrine et le visage quand la tristesse et la honte entraînent une baisse d’activité sensorielle dans les membres inférieurs. Le dégoût et le mépris sont associés au système digestif et à la gorge. Lors d’une dépression, le corps est en sous activation, notamment les extrémités. A noter que seul le bonheur est l’émotion qui se « reflète » dans l’ensemble du corps, notamment la tête et le ventre. Ainsi s’explique l’expression « avoir des papillons dans le ventre ». « En regardant la silhouette cartographiée, on pense effectivement à l’expression ‘rayonner de bonheur’ », s’amuse Jean-Louis Millot, professeur en neurosciences à l’université de Franche-Comté.

Au-delà de ce décryptage, l’étude peut contribuer à une prise de conscience, personnelle, de ses émotions par des sensations émotionnelles conscientes et une compréhension de leur base physique.

« Nous avons été surpris de constater qu’à chaque émotion correspondait une combinaison précise de sensations, et que celle-ci était reproduite spontanément par la majorité des participants », explique au Figaro le Pr Nummenmaa, principal auteur de l’étude. Les chercheurs estiment que cette cartographie pourrait à terme aider les médecins à mieux comprendre les troubles de l’humeur comme la dépression. Le diagnostic et le traitement seront ainsi plus faciles à établir.

« Quelle que soit l’émotion que l’on ressent, elle n’est pas anodine pour le corps », ajoute Henrique Sequeira, professeur en neurosciences affectives à l’université de Lille (I et II). « Les émotions sont une véritable interface entre le cerveau et le corps. » Elles induisent des réactions musculaires, hormonales, neurologiques et immunitaires. C’est d’ailleurs ces liens qu’explore la médecine psychosomatique, selon laquelle « des émotions répétées peuvent avoir, chez certains individus prédisposés, un impact positif (guérison plus rapide d’un cancer) ou négatif (vulnérabilité cardio-vasculaire, asthme) sur la santé, en frappant de façon répétée et inutile sur le même organe », explique-t-il. Il reste désormais à définir pour chaque « carte émotionnelle » des indicateurs physiologiques précis qui pourraient être mesurés de façon objective et permettraient de repérer d’éventuels dysfonctionnements émotionnels.

Source: PNAS Dec 2013 doi: 10.1073/pnas.1321664111 Bodily maps of emotions

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